Il y a les couloirs pittoresques du musée d’Autun, il y a le mystère insondable des villes françaises de la même taille qu’Autun, ces mille trésors pas encore totalement affectés d’un visage vitrifié par ce qui ne se construit plus comme dans les souvenirs tourmentés des maîtres d’œuvre.



A Autun on retrouve encore ce qui respira, quand une ville c’était d’abord des vieilles enseignes de magasin, des prodiges de charpentes et de façades, des tourelles qui paraissent encore méditer comme belles au bois dormant rêvassant à ce que ça coûterait de les réparer et si elles ne vont pas être remplacées par un moins disant de main d’œuvre en verre ou en béton – ah ! Quelle désaffection !


Ah ! Quelle cruauté toutes ces splendeurs qui meurent et que personne ne vient redresser – avec un peu de chance quelqu’un pensera à mettre de la couleur sur le verre ou le béton qui effacera la gloire surannée du dix neuvième siècle et de ses élégantissimes boutiques – mais c’est même pas sûr mon coco…

Non, même pas sûr ma cocotte – et dans les couloirs du musée d’Autun une fois qu’on a été traumatisé par la folie de l’Eve d’Autun…

Une fois qu’on a été abasourdi par Ève et qu’on s’est demandé comment était son nez, le travail du Maître de la fertilité de l’œuf, ça ressemble à l’enseigne surréaliste d’une gargote, le petit tableau aussi génial que discret, avec un duel animalier, comment est ce qu’on peut le remarquer, cependant, parmi les cent trucs fabuleux qui se précipitent là dans les couloirs richissimes d’Autun, pendant qu’on y est parfois seul parce que les touristes ont peut être préféré aller aux îles marquises dans un bel hôtel en béton ou en verre qui décolore l’océan de tout le confort de ses lits king size – et le petit tableau qu’on a sous les yeux fait son travail il reste fixé à l’envers de la rétine, quelques années passent et puis un beau jour on découvre que sur la vignette : il n’y a pas de nom. Pas de nom !!!


Des années après je reviens dessus je me dis mais c’est qui ? Et là patatras. Je découvre ses autres tableaux, répandus par le monde – c’est où, le Milwaukee, vite, un dauphin et traverser l’Atlantique.

l’auteur si modeste de ce travail tellement léché qu’on dirait une enseigne d’une vieille boutique parfaite, italienne, datant d’un monde qu’on n’a même pas connu. Un monde qui aurait toisé les imperfections du siècle passé comme les restes du dix neuvième siècle, à Autun, semblent toiser l’infortune des banlieues du monde d’aujourd’hui en cubes et rectangle construits à la va-vite.

Oui le monde du dix huitième, depuis l’injustice atroce de ses régimes totalitaires, de ses épidémies et de ses guerres, avait pour toiser le dix neuvième pas encore venu, l’élégance de ses collants colorés qui moulait les attributs de mâles aristocrates – le monde impitoyable du dix huitième toisait depuis les harnais de l’élégance qu’on ne retrouve plus qu’aux vieux tableaux – comme là, m’est revenu le souvenir trois années après l’avoir vue, l’élégance d’un tableau, et du tableau d’un anonyme. Né au dix septième…

Je n’avais même pas pensé à me renseigner sur son nom et je découvre qu’il n’en a pas et que pourtant, depuis ma visite d’Autun en 2019, il pisse par dessus deux siècles sur l’enseigne du fast-food de la galerie commerciale que je que vous que nous sommes en train d’essayer de ne pas regarder – ouf!- ne pas vomir – ( et que le siècle prochain aura d’ailleurs à son tour remplacé mais par quoi, par une vitrine virtuelle en chiffres informatiques ou en simple fumée apocalyptique d’après l’ultime spasme nucléaire de l’ultime toux d’un oligarque enfiévré ?)

Dans le Milwaukee il y a un tableau qui a donné un pseudonyme à l’anonyme parfaitement reconnaissable sur le tableau d’Autun. Ça parle d’une fertilité de l’œuf. Mais les autres tableaux parlent de tellement d’obsessions que chacun te donnerait un nom.

Je suis tombé de la chaise.

Qui es tu ?

Au musée Fesch.

Au musée Fesch d’Ajaccio je voudrais aller, je voudrais sauter sur un cheval, courir jusqu’à Saint Tropez, sauter dans un vieux voilier, parvenir à Ajaccio, courir au musée Fesch, voir cette chouette incompréhensible.


Qui es tu ? Y a t il jamais eu une exposition consacrée à toi, qui me réouvre à toutes les vieilles cites, à Brescia, ta ville dit-on, aux rues ressuscitées de Venezia, ma ville secrète me dis-je, aux silences des doges, aux fois insensées des papes les plus douillets.

Mais qui es tu, y a t il jamais eu rassemblement de ton travail en un lieu et quand ? Ou est ton visage dans ces images qui te sont tombées dans la mémoire depuis celles de l’ami Hyeronimus Bosch ?