Dire « hier » c’est déjà faire de l’actualité et l’actualité c’est déjà une histoire d’histoire contemporaine au sens de l’animal social et bien entendu tout ça est de l’ordre du bien mais l’opacité du ciel diurne nous empêche d’oublier la société humaine, qu’il soit bleu qu’il soit gris, et l’opacité encore plus grande d’une représentation nominative des ciels nocturnes, qui nous ferait prendre les lanternes de l’infini pour la vessie de Mercure ou d’Orion, coupe tout accès à la question de ce que serait l’hors-humain … et tellement bien que je n’oserais dire quelle question poseraient les infinis cosmiques, puisqu’aussi bien : comment prétendre à une question ce qui est déjà de l’anthropocentrisme, une question des étoiles Ahlala.. blague des blagues revenons à l’actualité des manifestations d’hier ?
Cependant l’Irlande a produit des bières ambrées et la légende de molly malone une enseigne aux brasseries, dont la brasserie d’où je contemplais hier les visages étoilés de sagesse ivre de trois buveurs qui me paraissaient Merlins – brasserie ? Ah, l’étoile des brasseurs décorait la maison de mon grand père brasseur (comme si le destin des enfants de la Shoah avait quelque chose à voir avec la source de sa fortune la bière Greff à Nancy !) mais moi j’y voyais, dans cette bonne étoile des brasseurs, le rêve qui me permettait de marcher dans un parc (celui de la maison de maître de la brasserie, joignant la rue de la Commanderie et la rue Jeanne d’Arc) entre les noisetiers et les soupiraux des caves où pendant un siècle les ouvriers avaient dû se relayer pour faire la fortune de ceux qui adoptèrent mon papli – est-ce de cette étoile que je me réclame pour payer ma bière en terrasse du Molly Malone devant les trois druides qui ressemblent certainement à ceux qui se ruinèrent la santé pour embouteiller la bière à ras du jardin où je pétais dans mes robes à smocks ? Et donc comme une étoile errante pour l’enfant que j’étais (ignorant qu’il put traiter de racaille, mon grand père, qu’il put traiter de racaille tous ceux des prolétaires ses employés qui par leur misère ressemblaient de près ou de loin à son père biologique et certainement aux trois philosophes des bancs publics (Voilà, c’est de ça qu’ils parlent les trois dieux parcheminés, ils parlent de mon arrière grand père qui avait été le bourrelier des chevaux de la brasserie d’un jadis dont le papli ne me parla jamais – ils sont d’une élégance telle, voilà, ils ont caché hors champs, peut-être dans l’élégant immeuble derrière eux, ils ont caché leurs tenues de chevaliers de cochers de cavaliers, encore une gorgée de Guiness et leurs trois chevaux vont surgir dans une nuée de goélands rieurs et natifs tous de Cork) et donc aussi ceux que le grand père t’axait de racaille ils ressemblaient à sa mère morte trop tôt(dont il ne retrouva pas la tombe, cimetière ravagé par des bombardements). Lui, lui qui avait failli être pendu à la cheminée de la brasserie alors qu’il était né tout près du village natal de Louise Michel.
plus beaux que les trois observés hier depuis la terrasse à Guiness, ai je jamais vu ?
Leur cadre, ce bâtiment de l’immédiat après bombardements de la dernière guerre qui est devenu beau va savoir comment mais hier il m’apparaissait comme une révélation.
Cependant qu’ils discouraient, les trois philosophes sur leur banc gratuit faisant face aux tables payantes de l’annexe de l’Irlande, d’un petit morceau du pays de James Joyce, d’un fragment évocateur de cris des goélands au dessus du petit port de Port Magee et de tous les recoins du pays de Molly Malone, pendant qu’ils échangeaient savamment leurs propos, des mouvements d’actualité se déroulaient en tous sens autour et sur la place d’Austerlitz : les syndicats et des jeunes gens passaient à gauche en une procession qui criait contre le président de notre monarchie anticonstitutionnelle occupée à récupérer pour ses marquis un petit pourcentage supplémentaire d’argent sur les millions de pauvres comme toujours bien mal défendus – et soudain surgissaient les agents de la force publique que les gamins, tout fiers d’un noble combat, avaient canardés avant de se replier – leur entreprise pleine de théories pour la nourrir et de certitudes qu’on devine arrosées par les trolls informatiques qui font et défont l’opinion et la rage au gré du bon vouloir des oligarques, des marquis donc, qui s’en servent – théories et certitudes des jeunes aristocrates du penser cependant certains absolutistiquement – de par la profondeur sociologique de leurs analyses – de la situation et du génie de leurs maîtres à penser -pendant qu’à quelques kilomètres de nous la guerre d’Ukraine remplit atrocement les cimetières – peut être y a t il un lien entre cette agitation, ici, d’une société qui hurle contre son roi sans arriver plus à prendre en main ses députés – et les hémorragies de vies humaines pour les prises de contrôles territoriaux par les mêmes marquis tout puissants de l’actualité qui -décidément inactuelle – cache les étoiles et l’immense organisation paisible d’un monde, celui des astres, d’où nous n’aurons pas besoin de disparaître – tant nous lui sommes démesurément incomparables, et ça même si je sais bien que les étoiles ne clignent pas des yeux.
C’était si beau pourtant hier de voir surgir la troupe joyeuse de tous ceux qui voudraient exister.
si j’étais Bismarck (lire ses mémoires pendant la Commune quand il s’apitoie sur la mauvaise santé des français ) j’inventerais la sécurité sociale dont j’ai entendu l’enterrement déjà il y a longtemps, il y a plus de dix ans, de mai deux mil sept à Mai deux mil douze.
cette communauté des humains permise par la sécurité sociale, cette communauté d’humains, reliée par la douceur du soin qu’elle a permis d’administrer depuis son copié-collé français offert après guerre par De Gaulle aux communistes, exactement comme Bismarck l’avait utilisé pour contrer ses socialistes presqu’un siècle plus tôt, en 1883, cette étrange communauté n’a jamais su à qui dire merci, faut dire : difficile de dire merci à Bismarck puisque ce qu’il voulait c’était quoi sinon des soldats en bonne santé et on connaît la suite de la mélodie ein zwei.
j’aurais bien voulu que sous les bras grand ouverts de la sécurité sociale une légende dorée s’installe.
mais quoi. Elle fut comme les étoiles. Cette communauté qui m’a permis par exemple, un jour qu’en revenant justement de l’abominable et impitoyable jungle inhumaine de New York l’égoïste, d’aider la géniale dame hantant la nuit quelques auvents abrités de la pluie, dans le campus universitaire, (et ça depuis quinze ans!) l’aider avec l’aide des meilleurs chirurgiens pour sa cheville brisée et ensuite l’aide des meilleures infirmières venues à son chevet sans domicile fixé, et ensuite l’aide de la pandémie qui lui a même donné une chambre d’hôtel !
Mais c’est évidemment le contraire qui se passe, la fin de tout ça l’enterrement d’la légende dorée de la Sécu – les soldats reprennent la main, adieu l’état providence… bienvenue à la frénésie des consommateurs-pollueurs… qui contrôlera nos fleuves d’essence à tous dans nos autos that is the There Is No Alternative Question of Margaret Thatcher et ses émules planétaires et d’ailleurs comment oserais-je élever la voix puisque, c’est Pâques et je roule vers Ambert dans la petite Irlande auvergnate en suçant quelques litres de ce pétrole pour quoi se battent les oligarques et il y a de l’essence, oui, qui coule à flots dans les stations de bord d’autoroute malgré grèves… je regarderai les menhirs de l’Auvergne avec passion parce qu’ils pointent du doigt la seule vraie actualité, ou plutôt l’astralité, celle de l’ordre insensé, celle de l’inavouée communauté qui m’unit sans question ni réponses aux étoiles les plus innommables, surtout ne pas les nommer, ne pas leur projeter la moindre participation à tout ce qui, m’étreignant dans le réseau vital des autres, risque de me faire oublier ce je-ne-sais-quoi dissimulé aux vertiges interstellaires.
les trois divins buveurs emplis d’ivresse céleste pendant que je pleurais en lisant un poème amoureux de Marguerite Yourcenar (« Feux») et puis le passage ensuite d’une centaine d’apollons et de vénus cagoulés, masqués, habillés de noir qui couraient vers le quartier suisse – le passage, à leur poursuite, des cognes, (comme dit Victor Hugo), cependant que volaient en éclats les vitrines des banques et les écrans de publicité cinétique dont les municipalités abreuvent les candidats au bus.
Mais voilà, c’est vendredi et.. .Je suis devant le château de Noiretable et c’est le lendemain. Bénissant honteusement qu’il y ait eu de l’essence dans les stations services du capitalisme pétrolier pour me rapprocher en Auvergne de la Pierre de Giniche, des étoiles, de l’ivresse des buveurs de Sublime ivres de mort, ah, mourons bien vite.
Le navire en or de Broighter (musée des Dublin)
Pierre décorée, Youghal, Comté de Cork, 2500-1700 avant notre ère.