La Soublime enquête, comme son nom l’indique, se moque du polar — car ce texte n’en est pas un — et en même temps, dès le début, dans une villégiature où vraiment ce serait bien d’avoir un chalet, voire une simple chambre d’hôtel, se moque un peu du sublime. C’est que le flic, je veux dire mon représentant au fil du fleuve de mon encre (fleuve.: l’enquête sera longue, et je la relirai souvent, rêvant que le lecteur aussi s’y baigne), le flic doit travailler, doit payer, doit obéir…

Et ne devrait pas aimer vivre avec Miléna. Mais l’amour va très vite le faire enfant de Bohême et les flanquer tous les deux sur une route forcément double.: Egon va traquer un milliardaire parricide, va se faire prendre au piège de ceux qui voudront l’utiliser, va découvrir qu’à la haine qui fait guerroyer les peuples sans pitié, répond, tout là-haut dans l’Eden (terme qui à Sumer désignait la résidence loin du bruit des villes, des fortunés), à une civilité soublime, et à la nécessité d’asservir.

La route de Miléna traque le bien. Sa musique (elle est violoncelliste) l’a désignée. Elle portera cette année-là tout le bien du monde, convertira la moitié asiatique du monde à la tragédie, à la pensée gréco-sumérienne du héros, et traversera la vieille ville de Strasbourg, à l’ombre de l’héroïque tour de sa cathédrale, la cité maritime et républicaine sérénissime de Venise, l’île enluminée de Naxos puis, pour y représenter devant la littérature et le bien incarnés, la tragédie des tragédies.

Le monde au passage, le monde humain, comme il le fait depuis les derniers progrès de ses moyens d’auto destruction, frôlera l’apocalypse nucléaire… Et les deux héros, ayant traversé les sublimités de Strasbourg, des Vosges, de Venise (coupée de la terre ferme par décision républicaine), affrontent la tempête.

Au passage, le flic Egon (qui ne s’appelle pas que Perplex mais aussi Tantalitch, et pire encore) aura failli se noyer dans le bourgogne le plus coûteux, en une ivresse qui démasquera soudain, pour le public aussi nombreux qu’à une attraction foraine, «comment Hitler est devenu vilain», «comment le voyeurisme enfantin fonde le désir adulte», et surtout comment le premier amant de mon ami Pierre, sous son regard d’amant, a subi ce que subissent encore aujourd’hui tous les torturés de tous les sadiques de toutes les cliques de tous les maîtres.

Donnés aux chiens en pâture, c’est ce que tous nous sommes, même si le chien n’est que le temps, et que les dictateurs botoxés courent après les savants de la génétique pour atteindre cinq cents ans.: le chien Chronos nous dévore à belles dents.

Mais, comme dans la réalité, le bien ne peut que triompher du néant — et Miléna arrive au temps de Pergame, en Asie Mineure, au pays de la Sublime Porte — et là, elle fait donner, à côté du temple même de la psychanalyse (celui de Télesphore, le dieu qui sauvera les mégapoles de l’uniformité confondante, puisque déjà se lèvent des bataillons de psychanalystes à l’empire du Milieu) — elle fait donner la tragédie. Comme nous faisons. Tous.