Auteur/autrice : Anatole COIZARD Page 6 of 9
continents découverts (trop?) tard:
Celan (dans la Baignoire, ce 3/2/2015, nuit) — et ouvrir le monde, travail de ce Poète, écriture datant de ma rentrée au collège, j’avais douze ans Wernher, le professeur d’anglais, a hurlé pendant un cours que, feignant ignorer l’alsacien, nous étions des saboteurs.
L’Histoire est démodée.
J’ai eu un peu de mal à trouver dans une librairie le recueil des poèmes de Gottfried Benn — il a fallu commander, et pour cause, tant le volume en allemand, que la traduction. Pour cause: le Benn, ex-poète officiel du plus brutal des régimes, autiste de compétition, son succès après des élégies sur les cadavres de la morgue de Moabit, son rejet par le régime nazi sans que jamais lui il ne vomisse les mille meurtres — esthétiser les cadavres, esthétiser les putes, si on l’avait envoyé en camp il aurait chanté la Geste de l’extermination, à se demander comment il a pu engendrer une fille et quand on se penche un tout petit peu sur sa biographie on découvre le pire, au fond.
Personne ne recréera l’effroi harmonique, jamais, qui saisira des foules plus jamais rassemblées suffisamment en aucune bannière.
Sans mots.
Derrière les murs des villes, le recel d’un soupçon de campagnes,
La suggestion d’un cheminement jusque les écarts sans défense.
Cette émotion et cette envie de s’éloigner un tout petit peu, née dans la grande ville — Metz — en regardant — bases de vitraux de la grande verrière de la cathédrale, figurations de dallages.
Douze juillet 2011.
Les matières, ma matière du noir, du gris et de la pluie, de l’esseulement en face de l’absence de tout phare que serait un regard tout-puissant et aimant depuis une toute-puissance, un sens: mais non il ne reste que la matière noire, pas de Muse, pas de mythologies, pas de Théogonie, aucune légende dorée qui donnerait sens. Rien que la matière noire, si rassurante cependant, dans la mélancolie féconde, qui derrière la tristesse des enfants abandonnés conçoit, gauchie de tout sens, des sentiments dépendants, conçoit la colère, la fureur, et depuis la matière noire de ma mélancolie j’observe comme une sphère la création. Et suis rempli alors par le rouge bouillant des attentes, ensuite. Une attente qui pourrait paraître éternelle et ennuyeuse si ce n’était pas à chaque seconde, une attente renouvelée, aiguisée, qui fabrique le visage de l’Attendu.
Où avais-je rencontré Hultz.? La nuit, j’aurais pu. Il aurait suffi de sortir aux heures que choisissent les êtres arachnéens, discrets, démarche lente ou irrégulière, pour circuler, certains tranquilles et sûrs de leur force, d’autres furtifs et inquiets, cigare aux doigts, entre les palais rendus à leur total silence et sans souhaiter aucun abord.; des traits, des gestes qui se gravent camées dans l’architecture cependant que d’entendre résonner leurs pas un mutisme vous envahit…
On appartiendrait tous à une cité. Cette cité nous cerclerait, et nous partagerions ses saveurs, ses souvenirs, la réponse ingénieuse que ses habitants antérieurs y auraient apporté au cauchemar dangereux du réel.
Bien sûr, comme toute société humaine, celle-ci serait aussi hiérarchisée que celles des macaques du Tonkean et de tous ces primates non humains qui nous permettent d’y voir un peu plus clair dans la robustesse de nos soumissions…