Demain une Chine lacanienne, par le vœu sans souveraineté d’Hier…(ou: pourquoi lire Kant peut-il me rendre encore plus ennuyeux ?)
Se réveiller juste avant que l’alarme ne sonne, pressentir quelle heure il est puis s’apercevoir qu’on était juste, avec une précision à la minute… La notion d’une horloge interne n’a pas que ces fondations fugitives-là. On devine une troupe mondiale de physiologistes occupés à traquer les rythmes cellulaires pour leur gloire intime (au physiologiste vertueux ma pensée reconnaissante) ou pour le bénéfice des laboratoires friands de chronobiologie (aux savants vénaux mon admiration jalouse).
Si l’heure pourquoi pas le siècle?
Le parasite du paludisme, qui a besoin pour ses métamorphoses successives, de l’appareil digestif d’un moustique appelé anophèle et des cellules du foie d’un primate appelé Homo sapiens, est il la preuve que bien au delà d’une horloge cellulaire des siècles, la parenté entre mon foie, le gosier de l’anophèle, et la fébrile activité du plasmodium falciparum remonte aux origines de nos trois espèces, le moustique, le parasite et le primate?
Ai-je cellulairement une mémoire des millénaires? Quelque chose en moi aurait il deviné sans les journaux à quelle génération du vivant j’appartiens, combien de millions d’années séparent du Big Bang ou de ce qui en a tenu lieu, ma conception par le choc entre deux cellules, une alsacienne et une lorraine?
Et si le futur s’inscrit aussi nettement dans des menées du passé qu’il faut se battre encore aujourd’hui contre des épidémies mortelles d’un paludisme concocté avant même que nous ne fussions Sapiens, est-ce que ça doit me réjouir pour ce que ça signifierait d’une formidable mémoire des mondes gravée au plus vibratile de mes symphonies cellulaires?
Sans être agis, prédéterminés, comment entendons nous au dedans de nous ce qui, au delà des surprises de Buffon, de Darwin et des vitrines de tous les musées zoologiques du monde poussiéreux des bésicles, nous fait agir, détermine nos actes et nous fait fomenter, après nous, un futur dont les mémoires, si elles survivent, nous feront à leur tour grief?
On peut aussi observer comme l’enfance du sujet projette un invisible futur.
Quand l’observation par la petite fille ou le petit garçon, du monde des adultes fomente les décisions futures les plus inconscientes de sa vie, elle semble traduire un propos sur le futur qui serait tenu par le passé…
Tout un passé de sa famille, dont il aperçoit les résultantes depuis sa position de nouveau-né, de nourrisson, d’infans, progressivement averti de participer à ce jeu en s’identifiant aux géants qu’il observe.
L’enfant, fasciné comme sont fascinés les enfants, un beau matin propre et débarrassé de ses couches, un beau jour conscient de ses particularités anatomiques, lentement envahi par un langage qu’on lui enseigne… Et aussi, avant de réaliser que toute cette enfance d’apparence éternelle puisse devenir son propre passé oublié, puisse le projeter vers ce qu’il fera de ce futur par sa réaction déjà personnelle à l’Écran premier des grands, à la dramaturgie exaltée (par la petitesse de l’enfant) des Parents, il aura été particulier pendant sa lente prise de connaissance de l’état de ce (bientôt futur) passé de sa famille, de ses prédécesseurs, de son monde, il aura déjà été, singulièrement, lui-même, pendant que cette forme de Dette tatouait son âme traumatisable, et singulièrement au sens des milliards (presque neuf actuellement) de réceptions possibles, fonction de la pâte au caractère, génétiquement défini à sa naissance, du sujet…
Long moment d’appariement de ce qui vient à ce qui va disparaître. Valse.
Le parallèle vient à l’esprit d’une antériorité: la cellule ou la matière dansant avec les mondes primordiaux d’après le BigBang (ou ce qui en a tenu lieu), cette première cellule voire, antérieurement à elle, cette matière, cette énergie, elle a dû «enrager”de son sort: puisque le vivant se tire du passé par ce qu’il faut bien admettre comme étant une invraisemblable évolution, du premier atome de carbone aux discours d’Achille Talon et de Jacques Lacan.
Seulement, cette première forme imaginée du vivant, en quoi je projette ma propre pensée de façon abusive et dilettante, je me dis qu’elle n’ «enrageait» pas que de sa disparition imminente.
La disparition de la première cellule je la compare aussi à la rage que ne suscite pas, dans l’envie «biologique» d’évoluer, simplement le refus d’une mort prématurée des vieux (pourtant intrinsèquement vieillissants). Il n’y a pas eu qu’une rage, au principe qui a produit la disparition de certains de nos ancêtres simiesques… Car si disparaître trop tôt est rageant, partir à temps est aussi la «politesse» d’un passé qui finit par se sentir, dans son statisme, furieusement encombrant.
Et il ne s’agit pas d’encombrer, face à la nécessité de poursuivre… de poursuivre quoi, au fond?
Peut-être appellerait on ça sans risque des investigations —mais le mot est forcément faux, un quelque-chose à abandonner aux êtres jeunes, qui, générations après générations, sont laissés à la discrétion du nouveau venant.
La vie ne serait ainsi pas qu’une survivance du vivant mais aussi…
Evidemment quand on voit comment chaque individu s’inscrit, par son identité, dans le concert du vivant, on peut trouver l’individu humain bien plus fragile, pour ce qui est de son entêtement à survivre, que, mettons, un platane. On peut aussi se moquer de la volonté de l’humain en repérant combien elle est, inconsciemment, livrée par sa structure psychologique, à une sorte de jeu de rôles bouffon bien plus qu’à des visées sublimes, métaquelquechoses: le névrosé hystérique ou phobique ou paranoïde, danse avec les psychosés paranoïaques ou hallucinés — bal de polichinelles … cependant ces caricatures ne sont que ça, des caricatures grossières qui nous mettent mal à l’aise, car si elles nous ressemblent, nous définissent, nous circonscrivent, elles nous loupent dans ce qui fait la nuance, la tendresse, la finesse du portrait.
D’ailleurs si je m’approche un peu plus de chaque sujet mon regard quitte la grossièreté de la satyre psycho-clinique pour arriver dans un monde de subtilité en lequel chaque individu est tellement dissemblable de son voisin qu’au troisième véritablement rencontré (j’entendrais presque par là: au troisième dont j’aurais scrupuleusement écouté une dizaine de rêves), je comprends qu’il s’agit d’une chorégraphie somptueuse, débordante.
Et chacun parmi les huit milliards, occupé par quels buts, hormis la survie végétative ou, presque pire, les bénéfices secondaires de l’hystérique, la satisfaction miroitante du narcisse psychosé, l’obtention d’une jouissance frénétique et meurtrière des pervers? À quelle petite pièce d’Enquête, de procession, de cyropédie, d’odyssée, de panique?
C’est à ce moment-là qu’en découvrant à quel point chacun est occupé à des projets vertigineusement distincts, je peux tendre l’oreille aux différences qui distinguent les inconscients, les rêves, les dettes des uns et des autres, jusqu’à y percevoir, peut-être, quelques indications quant à un projet du vivant, strictement humain puisque je ne l’observerais par exemple qu’en analysant, par leurs rêves, ces différences entre les êtres.
Ce projet proprement humain du vivant, cette morale qui colore différemment nos quotidiens, est-il une simple arme de l’espèce humaine contre le reste du vivant qu’elle serait occupée à régenter et à consommer?
Les dettes familiales, hébergées aux secrets inconscients de chacun parmi les milliards, sont assurément le pivot du projet de la biomasse, fragment d’une cosmogonie, pointe humaine de l’immense geste, dansée par cette forme du vivant qu’est l’humain, au sein des immensités glacées et muettes des météores et de la fuite constituante des milliers de siècles.
L’identité de ce qui fait vœu, de ce qui me guide parfois, moi comme les autres, ainsi qu’un rail tragique ou comique depuis les années de formation enfantine, peut donc se résumer à une superstition, par exemple si je cherche à me contenter de savoir la date de ma naissance (céquouatonthèmastral ?), à une caricature (névrosé ou pervers ou psychotique dans les années soixante dix, hyperactif aspergher ou coach chez les D.R.H du grand patronat) — mais si l’on va au portrait, au Fragonard, si je distingue progressivement en quoi mes attaches au passé qui m’a formé ont été jusqu’à préciser, au plus profond de moi même, une détermination et des principes de choix qui diffèrent absolument de chacun de mes milliards de contemporains, alors ce morceau de l’Évolution, ce legs infiniment spécifique, mon joyau phylogénétique, ne me dit il pas en outre quelque chose de ce qui sépare l’humain? Puisque, même si cette différenciation de mon héritage m’est propre, même si cette typologie d’une forme de vouloir, n’a été déposée que dans mon arbre neuronal personnel, par les milliards d’instants passés à observer mes propres parents, à ressentir la maturation qui m’a mené de l’allaitement jusqu’à lalangue, tout cela n’empêche que ce soit ce qui fait l’humain, et que cette spécificité je la partage avec l’humain.
Evidemment, en faisant le parallèle tout à l’heure entre mon enfance et l’enfance du monde, ce n’était qu’une facilité lyrique de langage, puisque, ne sachant rien ou presque rien de ces temps originels, nous n’y pouvons que projeter notre ignorance et nos fantasmes, occupation infiniment agréable, créatrice et féconde. Évidemment, en imaginant que ce serait une enquête, qui caractériserait une part supplémentaire, propre à l’humain, je risque de voir tomber sur moi l’avalanche des livres déjà suscités pour restaurer quasi religieusement une séparation nette entre l’homme et tous les animaux.
Reste l’idée d’une progression, génération du vivant après génération du vivant: dans la journée, je perçois plus aisément le passage des heures que des millisecondes et en matière de phylogenèse, je peux me persuader qu’il n’y a pas d’évolution entre les questionnements du Parménide ou de Bouddha et les miens, ni rien de fondamental dans le passage de la mode des pattes d’éléphants à celle du tattoo épidémique.
Il serait surprenant cependant qu’au moment de me transmettre leurs préoccupations fondamentales, mes parents n’y glissent pas quelques indications différentes de celles de leurs propres parents. Mais en quoi?
Et en quoi cela me permet il d’imaginer y trouver un pressentiment du mouvement en cours de l’humain, du biologique, en notre recoin de cosmos?
L’instrument de l’onirocritique est un peu primitif: on sait, des rats, que si on les empêche de rêver, ils ont totalement oublié au réveil, le trajet dans un labyrinthe qu’ils avaient découvert la veille, alléchés par un bout de lardon.
On comprend dès lors pourquoi, lorsque nous affrontons des situations nouvelles, le rêve paraît plus productif: il nous faut enregistrer à nouveau où se trouvent les objets de nos appétits.
Une fois entendue l’idée que nous ne serions pas des rats, une fois oublié le fantasme qui voudrait que nous soyons des objets plus évolués d’une forme de progrès phylogénétique, reste que nos besoins et nos désirs ne sont pas ceux des rats. Sans parler de la nature peut-être strictement humaine, selon Kant, des jugements moraux, mais son époque ne connaissait pas bien les chimpanzés.
La transmission du progrès (je veux dire l’incontestable, par exemple l’invention du moteur à explosion, ou bien l’incontestable progrès des centrales nucléaires, des souffleuses à feuilles mortes et du réchauffement climatique) constitue un changement de cadre, les rêves de ceux qui y naissent l’intègrent. Bien entendu ces progrès sont intégrés pour ce qu’ils sont, autant de menaces sur le vivant. Manque à vivre qui fait partie du bagage inculqué à tous les nouveaux arrivants, depuis la nuit des temps. Ici, ça crève, fais gaffe ! Mais les menaces évoluent, et la défense musclée de l’humain contre la mort est cet appareil ambigu d’engins parfaitement inquiétants qui pourraient bien se retourner contre lui et faire du législateur un ogre, du papa un pasdutouts’ilvousplaît et de son amoureuse au mieux une complice — sans préjuger, puisque le genre fait partie des formes de l’humain, sans préjuger des engins du Père que les ennemis du patriarcat tenteront de léguer à leurs filles…
Ô combien Parmi nous rêvent de voiture, rêvent en voiture, qui eussent été des chevaux peut être également pour incarner jadis le rapport des rêveur médiévaux à l’engin du père.
Mais la voiture, contenant le sujet, a aussi quelque chose d’utérin que n’avait certes pas le transport à dos de cheval. Et, avant de chercher en quoi une évolution de l’onirisme suivrait les modes de l’évolution du cours des choses, reste la question non élucidée: si le rat y mémorise le chemin de ses appétits, si l’homme y mémorise sa réponse aux manques signalés par ses parents, y a—t-il lieu de chercher, dans l’inconscient, une part qui signifierait les fluences temporelles, les synchronies du vivant, l’être au temps?
D’autant que le transcendant, le sublime, le purement passionnant n’est évidemment pas de réaliser que nos enfants rêveront d’objets encore à l’étude en Chine ou dans la Silicon Valley, mais de mesurer quelles catégories multiples font le fleuve inconscient de ce qu’il nous est absolument nécessaire d’enregistrer, chaque nuit, comme plutôt désirable voire nécessaire, comme plutôt rejetable, dangereux ou répugnant, si je le réfère simplement aux trajectoires du rat dans son labyrinthe et de l’humaine et de l’humain dans le leur.
Le message onirique n’est pas simple à exprimer. Il me semble (en ayant entendu plus de cinquante mille), que la définition du génie artistique c’est celle de la capacité d’une humaine ou d’un humain, quelqu’il soit, à transmettre sa propre pâte onirique, les formes de son inconscient, sa façon de ressentir le labyrinthe qu’il partage avec toute l’humanité: et pour ça, qu’il envisage l’une ou l’autre des muses pour s’exprimer, il lui faut une sacrée patte, en quoi réside le talent du génie.
La seule traduction qui ne soit pas une trahison c’est cette traduction de l’incroyable analyse quasi-automatique se déroulant au secret. Les assistants-traducteurs sont dénoncés de longue date: les lapsus, les mots d’esprit, les rêves.
Socrate le disait bien, que lors de tout choix difficile il écoutait sa voix intérieure, son génie.
Et ç’aura été le dernier travail de Tomi Ungerer, un livre dont le héros, un petit bonhomme, écoute son ombre lui dire que faire. Le seul mérite de ce héros c’est d’écouter la discrète voix de son ombre.
Le rat qui rêve (et qui n’est pas un héros) augmente ses chances de filer plus vite au lard de son désir le lendemain de son rêve, malgré le labyrinthe du physiologue des rêves qui l’observe (ou croit l’observer). Le bonhomme qui écoute son ombre sait qu’elle suit, ombre humaine, d’autres bouts de lard que simplement ceux, profondément inscrits bien évidemment, de l’appétit. Le psychiatre des années quatre vingt, lui, voit dans les voeux de l’ombre humaine, quand elle dirige son porteur, les traits caricaturaux, l’attelage de sa structure, ombre perverse, ombre hystérique ou ombre psychotique. Le neuro scientifique favori du Coach Patronal planétaire se contrefout de l’ombre et s’interroge juste sur les capacités de son porteur à travailler plus vite et moins cher, sauf, si c’est le fils du patron, et dans ce cas rare, à mieux compter les bénéfices produits par huit milliards d’ombres occupées à pédaler pour le bonheur du Maître — l’avancée est nette, ombres d’autres, disait le Président Schreber, dans ses incontournables mémoires.
Mais si on y discernait le geste décidé d’un quelque chose qui se jette, depuis notre planète comme depuis probablement une infinité d’autres lieux, au devant de l’être en comptant, en percevant le Temps? Trouverais-je, en brassant et filtrant mille oniriques, le détail qui dirait un vœu épochial, une mise au pas du Temps, sincèrement discernable…
Reprenons… Chaque rêveur déploie en magique et onirique étude, de quoi rivaliser avec les plus grandes œuvres déposées dans et par l’Histoire ou en train de s’élaborer pendant que j’écris de pensum.
Si, dans les monuments de l’oeuvre, on discerne les intuitions transcendantales de civilisations qui y ont reconnu comme le miroir de leur «progrès «, le même se dit forcément dans le rêve, entre ce qui y concerne les appétits, les désirs, les angoisses, les hiérarchies.
Ce qui se dévoile lors de chaque narration d’un rêve n’est jamais dépassé par aucun monument, la taille des flèches des cathédrales n’est au fond qu’un façon de tenter d’y atteindre. Le beau des monuments comme miroir du beau dans la pulsion synchronique d’une génération? Mais combien d’architectes au monde se sont ils réveillés, ce premier Avril deux mil dix neuf, en ayant les moyens de se préoccuper du beau (entendons, non pas d’une beauté qui hurle une laideur par son caractère dispendieux et kitsch, mais en quelque sorte une beauté apodictique, communicable, innocente)? — Les étudiants en architecture proclameront leur liste — Les architectes qui se réveillent ce matin pour aller au boulot auront leur réponse en leur for intérieur.
Et, dans les foules tragiques du monde, le surgissement de la beauté, comme indication du temps qui veut, outre passer, se passer par les corps (la splendeur des enfants, la désirabilité de certains corps, le regard renversé par le Beau des médiums et des poétesses, la transcendance du désastre cacochyme (Ah le vieillissement des vieux chanteurs, des vieilles cantatrices) des chorales les plus vénérables par la beauté du chant qui soudain traverse les vieux gosiers, la sublimité voire l’évènements de l’inesthétique, voire, en un mot, du sentiment, comme indication du futur à lorgner) fait trace dans les rêves, peut-être, d’un acquiescement secret, génération après génération, à ce devant quoi tout fait présage, le sentiment du sublime ? Celui des Bee Gees comme celui de Beethoven.
Evidemment ça renvoie à ce qui permet de débarrasser les dépressifs de leur dépression: le retour au soi. Car le recours aux molécules antidépressives, dont l’action consiste en gros à recharger les synapses en neuromédiateurs, c’est à dire à permettre à l’arborescence neurologique d’un sujet de parfaitement transmettre entre toutes les parties de son être, qu’il est lui — ou bien ce travail, que j’observe depuis tellement longtemps, qui consiste pour le sujet à prendre connaissance d’un grand nombre de ses propres rêves et ainsi à retrouver l’incroyable monumentalité de son soi — car ces deux options très efficientes d’un adieu à l’envie de mort inhérente à la dépression, prouvent peut-être, par leur efficace, que le sentiment du sublime a une parenté avec l’affermissement de la conscience du soi.
Je revois l’extraordinaire neurologue qui racontait ça mieux que personne: «le câblage neurologique humain, ça fait vingt mille kilomètres et c’est de la transmission électrique, alors ça chaufferait si c’etait pas interrompu par des synapses qui transforment les messages électriques en messages chimiques qui seront retransformés en message électrique au sortir de l’espace synaptique, mais tout ça pour transmettre quoi, sinon le style du sujet, son identité, qui s’affadit Lors des épisodes de souffrance morale, de dépression, et quand on va voir les synapses pendant ces moments-là, qu’est ce qu’on voit? Qu’elles sont vidées de leurs neuromédiateurs. Si on les recharge, le sujet redevient lui-même et retrouve le sourire… “
Ça renvoie également à ceci, que tout sujet capable d’exprimer (en peinture, en poétique, en musique) la nature incroyablement complexe et distincte de son soi (comme il se développe dans le panorama infiniment personalisé des rêves) aura la surprise de voir se presser autour de lui un public émerveillé.
Evidemment, on peut aussi, afin d’attirer l’attention d’êtres sur notre soi, prendre pouvoir sur une cohorte d’autres, ils se trouveront alors annexés à notre moi: mais’ contraints de s’informer de notre soi sans qu’aucun principe de beauté les y fasse consentir, ils courent alors le risque de finir par se sentir nos annexes, ils courent celui de s’écarter de leur propre moi et de finir dépressifs ou, à tout le moins, de nourrir à notre endroit tout un envers de sentiments plutôt négatifs.
Ainsi s’expliquerait le sentiment de beauté qui se dégage, au scandale d’Einstein, dans le charme vénéneux d’une fanfare militaire: l’Ordre d’une Identité prend barre sur le public. Le pouvoir ou la beauté, le passé ou le futur.
Donc il n’y a pas nécessité à souligner que le soi s’exprime assez naturellement par le charme: qu’est ce que la beauté d’un enfant, sinon un soi qui nous intime l’ordre de le protéger? D’un apollon et d’une vénus sinon d‘un soi qui nous convoque à le reproduire? De toute œuvre magistralement belle, sinon d’un soi qui nous invite à le partager? Quand il s’exprime par sa beauté, le soi de l’autre paraît nous enrichir. Quand il s’exprime par la supériorité hiérarchique, il nous soumet jusqu’au risque de nous amoindrir, de nous déprimer, de nous mener au suicide, qui est bien le terme de l’amoindrissement du soi.
L’invasion de la Chine contemporaine par la psychanalyse, le génie chinois s’avérant depuis quelques années parfaitement capable de mettre en équation les trois niveaux de compréhension du langage lacanien, va-t-elle périmer le souci d’un soi ethnique, forcément rassurant pour les esprits faibles mais forcément limitatif et suicidaire pour les libertés individuelles? Cet événement (la multiplication des psychanalystes en Chine quand leur nombre s’est effondré en France au profit d’un marketing du burn-out) ne trouve pas sa finitude dans ses propres circonstances.
On appelait Kant le chinois de Königsberg, avant que la folie passéiste ethnocentrée de l’autiste Hitler fasse basculer son pays dans le suicide collectif (et permette à la Pologne voisine de rebaptiser la ville Gdansk). L’ethnocentrisme pourtant propose une image du futur rassurant tant de projets parentaux, sur la planète envahie de tant de mère soucieuses d’une fidélité de leurs rejetons à une identité formatée racialement, qu’on peut craindre, d’une chine fanatisée par les menées d’un passé génétiquement tyrannique, qu’un jour de suicide comparable à celui de Berlin, Beijin y perde jusqu’à son nom mais après avoir offert au monde la réalisation parfaite de ce projet d’apocalypse, du Progrès militaire fumant son tabac pioupiesque dans les caves de l’Histoire.
Le miel que Freud et Lacan ont tiré de la psychologie kantienne fera de la Beijing des filles et des fils du ciel plutôt une Jérusalem réconfortante où les intuitions métaphysiques du communisme sonneront les trompettes de ce qu’Achille Talon aurait nommé les routes du Soi… peut-on pas … trouver universellement là, ce quelque chose qui trompe-la-mort?