Brouillon rédigé en 2012 sur les pages de gauche d’une photocopie reliée du Livre VII des séminaires de Jacques LACAN ” L’ÉTHIQUE DE LA PSYCHANALYSE «1959−1960.
Sur la page de garde j’ai noté: «Par un récit qui verse à l’inconnu, par un chemin inexistant, que nul ne foula, un chemin où marcher ne laisse pas de trace, comme une taupe «(Citation de la page 120 de la «traduction» par Quignard de l’Alexandra de lycophron.)
J’ai rajouté hier: 4 Avril 2020: quatre heures sonnent sur le toit sous un ciel bleu pendant que les agonies envahissent les respirateurs artificiels et que le ciel, vide d’avions, laisse devant moi les Jardins de l’Université exploser d’un printemps aussi indifférent à l’épidémie que mon nonagénaire ami Michel Jacquin, psychologue, qui a paraphrasé ce matin depuis le balcon du premier étage où il faisait apparition, la chanson «Gare au gorille «de Brassens en chantant » Gare au viru-u-usse «. Me rappelant ainsi comme il avait voulu, gamin, braver près de Dole la patrouille bottée allemande en lui criant «Merde «mais n’ayant trouvé dans le dictionnaire fort heureusement que le mot qui signifie fiente (Kot) il avait, pu avec ses camarades au moment où la patrouille s’arrêta, faire la poule (kot kot kot)…
5 Avril 2012.
A quoi répondrait véritablement un faune, sinon à cette escroquerie d’un jour d’été ?
Dans mon imaginaire répétitif et inlassable un faune attendrait, aux replis d’un des bâtiments de la toute-puissance impériale prussienne, de satisfaire mon attente lorsque d’imprécises femelles entoureraient d’une fort peu crédible frénésie son torse cuivré de leurs mains blanches: cartouche planplan pour décor de salle de bal 1900.
Mon seul pré-texte, une musique laissée en ma médiocre mémoire musicale, «La Nuit Transfigurée».
La Nuit Transfigurée, c’est le moment de transgression — par exemple une transgression de l’obéissance infantilisante par l’amour adulte. Soit l’insu devant Su. La figure des confins.
5 Avril 2012.
Les passions philosophantes tissent une toile drue au corps de jeunes filles bouleversantes.
Je les décrirais? Et pourquoi ne seraient-elles pas trois.
Aucune ne découvrit, il me semble, ce qui me fut dit, ici, d’immense. Car ce qui, ici, était immense, ne l’était pas parce qu’il était d’ici (dans ma cervelle) mais au contraire parce qu’il atteignait à un universel. Le dasein occupe certes une place, mais en son temps, et quel doux temps que trente ans.
L’image est d’abord pour moi de la plastique d’un insu. Trois femmes animent mon désir parce qu’elles tirent valises au travers «ma» Ville dont elles ignorent ce que j’y ai pressenti. Il n’y a pas de rapport, quoi, entre mon fantasme de les voir mouvoir leur plastiques de bacchantes devant les grilles de ma ville quotidienne, et elles-mêmes, cependant leur Dit m’atteint.
Est-ce que je me souviens d’un seul coït qui rétrospectivement me plonge dans le désir? La rétrospective des rapports ne stimule rien. De mille onanismes? Oui et bof. D’un orgasme? Comme d’Un seul ! Mais en rapport avec qui? Les grilles de mon quotidien? L’universalité soudain déclarée ou découverte ou crue, de ma médiocre circonstance ?
Si du coup je cessais de traverser la ville en regardant les habitants de la rue comme des trésors, dans cette sorte de bienveillance qui a plus d’une fois paru mielleuse et exagérée à Kate ?
J’ai tenté tout à l’heure de me représenter plutôt l’égoïsme des gens dans la rue — non pas en l’absolvant, d’une fate sensation d’autonomie, mais en l’envisageant depuis le scandale qui me saisirait si j’avais besoin d’eux et si leur indifférence signifiait ma faim, ma mort, un supplice.
Est-ce lié au sentiment un peu triomphal que me délivre la réussite d’un demi jeûne depuis une semaine? Ma bouche, close aux aliments, mon bedon allégé, ma libido moindre: et j’ai pu regarder les habitants de «ma» ville comme s’ils n’étaient rien «pour» moi — prenant ainsi la peau de tellement d’entre eux, costume plus raisonnable que ma fausse bonhommie — car je les sais, comme moi, cloués à leurs estomacs.
6 Avril 2012.
Jouir. Pharaon nu sous Noût pour l’éternité des cycles et l’éternité de l’instant. Jouir d’une déesse bleue comme le ciel: Noût voûte céleste, bleue-vierge, couvercle du tombeau, Noût-à-mort, ses seins plombant sensuels sur la momie du mensonge rituel -(je considère prudemment la passion égyptienne pour la momification, me chantonnant par dévers moi qu’il n’y a pas de mort puisqu’on ne saurait «être» mort, et puis toutes ces matières goudronnées évitant la décomposition, freinant certes la putréfaction, mais interdisant du coup, et ne serait ce que pour l’apparence, ce retour philosophiquement démontré de l’unité, qui fut le corps du pharaon, aux germes disjoints par la putréfaction qui les occupe.)
Pharaon reviendra, faune dans le ciel bleu — Noût déesse. Bleue comme Ninive, bleue, la ville arrogante qui laisse les hommes l’aimer comme une déesse — rose la flèche phallique de la cathédrale de Strasbourg baise le ciel.
Une ville entière qui dirait mon désir du ciel, le membre d’Osiris en permanence dressé – alors les architectes de l’empereur lui font une fente d’Orient en Occident (l’avenue des Vosges et l’Avenue de la Forêt Noire, l’avenue de l’empereur dite de la République), alors le soleil se couche dans le casque du Kayser représenté par le dôme vitré du Palais Impérial dit du Rhin — César revient, des sarcophages mérovingiens sont exhibés dans les jardins du palais, Blanchot et Lévinas, Goethe et Büchner, Nancy et Lacoue-Labarthe, des couples de jouissances fomentent des plans culs dont j’ouïs sens. Et là pour le coup il y a du rapport, des rapports, du ragot, des histoires, de l’Histoire, et même la constitution d’un immense Corpus littéraire et philosophique ! Banco !
La physique d’Empédocle, dont un fragment de papyrus reposait aux caves de la Bibliothèque prussienne de Strasbourg, dans un Oubli digne de Blanchot, est niée par le propos rituel égyptien et ses goudrons, puisqu’en effet les promesses d’une éternité des cycles et d’une éternité de l’instant sont moins raisonnables que le constat d’Empédocle: à l’Un succède le Multiple, et à l’amour qui fait naître les enfants la Haine qui mène le bal de la corruption de leurs beaux corps.
Dans la bibliothèque prussienne, édifiée face au Palais de l’empereur prussien, dont la langue n’est déjà plus la langue de cette ville si arrogante, Ninive est tombée, Strassburg est devenu un bourg provincial — elle est tombée la grande ville ! — et dans ses avenues dont l’empereur voulait qu’elles empruntent un plan d’occident en Orient sans cesse considérant l’Orient du Schwartzwald et l’Occident des Vosges, retour majuscule d’un Nil enflant l’Histoire minuscule encore du Rhin — et dans ses avenues égyptisantes, quelques années après la fin du grand chantier prussien, les philosophes qui s’y rencontraient, Blanchot et Lévinas, étaient trop français pour que les langues ne leur soient litteéralement arrachées — au supplice de la tragédie du massacre national-industriel — au supplice de l’usine de guerre nazie brunisseuse du ciel d’Europe, ah les images bucoliques, ah les cadences équestres des valses de Chopin et des cris sublimes de Schumann, elles se sont affaissées dans la puanteur de cette haine qu’Empédocle sait, les noirs de la mort et le rouge du sang ont fasciné d’un fascinus fasciste les bras tendus comme autant d’érections par les foules fondues sous une seule ovation. Et tendues vers la Guerre.
Et nous sommes tous de Guerre les enfants, nos gènes noircis de hontes ou d’accablement, fils des bourreaux ou fils des Camps, dans nos familles le pli de la douleur est imprimé qui attend le prochain massacre pendant qu’avec désespoir nous faisons l’amour et des enfants.
Le manque-à-jouir du monde humain s’écrit dans le désir égoïste, anarchique et le séminaire de Lacan sur l’éthique de la psychanalyse rappelle, dès sa première séance ce que souligne Marx, le caractère partial et partiel de la solution du Droit. Quant à une solution qu’il n’apporte sans cesse jamais au problème du mal et du pire.
Le manque-à-jouir des masses laborieuses transpire à l’envers des façades bourgeoises de la capitale du reichsland. Et leur rage.
On peut rire en décryptant la libido de façades empesées, les venus et les dianes aux solides nichons, que multiplient les rues du dix-neuvième. Où se cache Loulou? Où surgit, entre la Raison et le Besoin, le Désir? Dans la structure, dit Lacan pour rappeler Freud.
6 Avril 2012.
Et il est vrai que la structure de la ville, de la cité, de l’organisation humaine en laquelle femme ou homme se reconnaît et s’identifie, il est vrai que la structure est tellement première qu’elle a quelquechose d’invisible: par exemple cette ville prussienne allongée au pied d’une flèche de cathédrale, cette étendue qui se revendique prussienne pour dire le désir oublié d’un Kayser, Elisa, son Elisa jamais gardée, son Elisa von Radziwill morte seule, cité libre pour avoir un maître, engagée dans une aventure collectivement linguistique qui ne se devine pas rationaliste et ne soupçonne, de l’allemand au français occupés à s’occuper et à se déchiqueter, que des dissemblances dont seule la musique (comme entre pensée chinoise et pensée occidentale aujourd’hui) parviendra à subsumer les non-entendus — l’inconscient langagier dit sa guerre à la ville-idéale. Pourtant Florence ne parle pas italien en ses façades, qui seraient, sinon, incomprises.
L’intérêt d’un «ici «qui tenterait de s’amarrer aux temps renouvelés, aux retours d’un matin, d’une saison, des règles finalement astronomiques de la Mode, la ville ne s’en soucie plus (rythme révolu des récoltes). On voit surgir les rabbins loubavitchs, les imams et les curés, attiffés sans cesse d’une mode autrefois à la mode et signifiant ainsi leur attente d’un Retour. Se scandalisant des disparus par la tragédie impossible à représenter des massacres, du génocide, du rugissement sadique colossal qui a commencé de pleuvoir dès la fin de son édification par les architectes du Kayser.
Voilà ce qui serait amusant: se scandaliser des disparitions en effectuant un retour en deçà des monstruosités, avant leur temps, manifestant ces styles si vite effacés de la Prusse naissante – comme s’en chargent les costumes inlassablement changeants et le style des pensées. Dans cette ville la rigueur nécessaire me paraîtrait être d’un inventaire des vieilles portes, des vitraux les plus banals, des centaines d’oriels. Mais cette rigueur purement visuelle n’est pas suffisante. Que les portes soient pour être ouvertes et les escaliers pour être gravis n’empêche le souvenir des pulsions et du Désir qui présida ici à la période désormais enfuie mais dont on voit bien aux daguerréotypes et photos anciennes tous les jolis torses et culs qui, les traversant, firent autre chose que s’y régénérer en y jouissant, il y avait aussi une rue des bordels et l’endroit où draguaient les messieurs avant guerre (Quai Koch selon Erwin Wernher).
D’ailleurs seule compte cette attente folle d’une émotion folle.
Si l’attention que Lacan porte à Sade dans la démonstration de l’essentialité du Mal par Pie VI — du crime comme plus originel que la Vertu sa conséquence — est en soi une évidence — l’idée est forte aussi dans toute ville que le crime y règne, et le pire ici, quand industriel il a pavoisé tous les immeubles de drapeaux nazis qui fabriquaient justement une démonstration du système de Pie VI, lorsqu’il fallait accepter le comportement d’Hitler comme voûte protégeant le seul espace possible — «lebensraum» qui promettait la Mort — cette terreur qu’on voit renaître dans le monde entier (hier combien de viols à Tombouctou, combien de décapitations ?) Émotion folle devant le vice pousse-à-la-Vertu.
7.4.12.
Cesser de considérer tout ce qui est à la cuisine comme en immédiate continuité fusionelle de mes intérieurs m’a fait éliminer cinq kilos de ventre, mais j’arrive à me dire que tous les visages croisés en ville ne sont pas bienveillants et ne méritent pas un sourire débordant d’affichage de ma part. Je suis même arrivé à l’exercice suivant: regarder les visages de la foule en m’imaginant leur indifférence si soudain je les appelais au secours parce que sur le point de mourir — et je sais le nombre infime de ceux qui freinent à ce moment-là – trop heureux — la plupart — de savoir qu’ils contribuent à la disparition d’un de leurs encombrants rivaux (tous ceux-là par exemple qui justement trouvaient leur quotidien pénible) — envisager cette masse pour ce qu’elle représente aux yeux de tous ceux qui insatisfaits de leur quotidien, mesurent au visage de l’autre une souffrance que cet autre n’allège pas.
Et le crime s’affiche dans sa définition réelle, pour qu’il y ait crime il faut l’humain — un tremblement de terre on ne lui fait pas de procès mais la connerie, si.
Si je me trompe de diagnostic, oui.
Si je perds le contrôle de mes nerfs, si j’adhère à une idéologie génocidaire parce que mon cerveau est fragile, parce que je n’ai pas été averti à temps que le consumérisme était génocidaire, alors oui.
Si je fais l’amour après avoir écouté les news et avoir constaté l’horreur du monde — mon indifférence témoigne du sadisme le plus condamnable.
Donc la foule a croisé sans s’en apercevoir une personne qui se livrait à des exercices misanthropes tout à fait contraires au regard bonnasse que bourgeoisement je porte en général à la foule qui me nourrit.
Un regard porté plutôt sur «Candide» dirait tout à la fois l’attente d’une époque endolorie, et le regard de connaisseur qu’y jette Voltaire. (N’ennuyer jamais, son obligation sous peine de bâton.)
7/4/12 Allez, je tente une fiction qui n’ennuierait personne, voyons…):
Précis de psychanalyse à l’intention de sa Sainteté le haut-secrétaire du parti de toutes les Chines.
(Projet romanesque)
au chapitre un
l’ignorance absolue rencontre la lumière
Melle Wu fuyant son père
un fameux général atrabilaire
se réfugie un jour de printemps
dans le seul type de refuge
dont ses dix-sept ans
avaient l’habitude
et c’était le restaurant du plus
grand hôtel de Pékin
où elle fut accueillie par
le fils naturel d’un diplomate français
Venu dépenser là l’argent de la
pension alimentaire que sa mère nigériane
extorquait à ce bachique inconnu
au chapitre deux.
-où l’ignorant découvre l’inconscient de la lumière.
Sitôt arrivés à Horta aux açores dans la ville de Faïal, Mercurio, pressé au savoir et à la connaissance par la petite Wu,
Tente de réaliser l’inventaire du musée des ivoires de baleine gravés
mais se rend compte que ça l’ennuie
au bout d’un quart d’heure et obtient de la gardienne qu’elle
fasse le travail à sa place.
En rentrant à l’hôtel
il découvre que la lumière
vomit et qu’elle ne le désire que
pour le posséder. (sa lumière étant la chinoise omnisciente qui s’avère anorexique vomisseuse comme Sainte Thérèse d’Avila)
Il parvient à s’échapper avant
qu’elle ne lui coupe la queue
et part, nu à la nage, pendant
qu’elle court signaler qu’il a tenté de la violer au voisin
d’hôtel, un ancien légionnaire portugais rentré de Maputo.
au chapitre trois.
Où l’image du Commandeur
ne croit ni à Freud, ni au complexe
d’Oedipe, mais se trouve être hypochondriaque.
Magiquement et hystériquement
convoqué le général Wu rejoint les Açores en
yacht chinois, écrasé par le caprice
de la fille adulée, tente de la rencontrer sans témoin afin que personne
ne sache qu’il y a, au monde,
une personne qui tient tête au
Général Wu.
Chapitre trois: Où une
sismologue française ne trouve
aucun sens à accrocher à
l’apocalypse volcanique, sinon
la pulsion de retour de l’humanitê
vers un état d’équilibre universel.
(note de ce huit avril 2020, l’état du jardin botanique après trois semaines d’interruptions des circulations automobiles, est tel que depuis le toit de l’immeuble je sens pour la première fois ici les fleurs du jardin, et leur bouquet me rappelle ce miel que faisait Jacquin au dix de la rue et dont il offrit un petit flacon à la naissance de Lily en 2009)
Mais Mercurio en voyant la sismologue raisonner
lui dit qu’il s’est épris déjà d’une grande
lumière (la fille du général Wu) et préfère rester dans son obscurité.
Ils sont capturés tous les deux
par les hommes du père de Wu, laquelle
est inconsolable depuis le départ de Mercurio
et a ainsi bouleversé son père.
Depuis qu’il a entendu les propos de la sismologue sur le caractère apocalyptique
d’une prévisible éruption du Mont Pico (le plus haut sommet du Portugal se trouve au milieu de l’Océan, aux Açores)
il est terrorisé et veut mettre les bouts
au plus vite. L’explosion d’une bouteille
de vin jetée au sol dans la nuit par un cagarro (voir la définition de cet oiseau hyperextraordinaire)
met le sentiment de terreur
du général Wu à son paroxysme — et la sismologue vient le consoler avec
ses instruments de mesure, en lui
prédisant que l’explosion ne saurait avoir
lieu avant mi six cent trois ans. Elle
lui demande de parler de sa mère.
Le général Wu est né le vingtième jour du premier mois de
l’année 1966, à Hsin Cheng,
dans le Hu Nan. Peu de temps
après sa naissance sa famille
s’est installée à Hsin Yang, au bord du Fleuve Jaune, et il a passé là ses dix premières années.
Mais à onze ans, son père ayant été
promu, il a été envoyé chez
un de ses oncles, à Hsia Kuei
un village au bord de la Wei,
à l’est de Ch’ang an
Le général Wu dit:
« Je compris alors que
l’amour d’os et de chair,
n’est finalement qu’un
lien de souci et de tristesse «(Po chu Yi, qui se souvient de sa fille cadette morte à 3 ans)
«nous sommes tous deux
de malheureux exilés
au bord du ciel
(Le chant du pip’a)
” je me souviens de moments où enfant je m’amusais
ils sont encore vivants, comme devant mes yeux
de mon ancienne demeure je ne retrouve pas l’endroit
parmi les vieux villageois plus de parents
(passant la nuit à Hsin Yang, à 56 ans)
Le général Wu ne parle jamais de sa mère, il ne pleure que sa première
fille morte prématurément, il n’a que
l’ivresse pour soulagement — et ivre il trinque aux généraux des siècles passés,
sa gloire militaire n’a été utilisée
que dans de sauvages répressions et aucun
fait glorieux ne peut être raconté mais
il participe du grand corps sacré de la Chine.
Le général Wu se laisse ainsi
émerveiller par un rassurement sauf
qu’aussitôt, il voit la sismologue
tousser, et il voit Mercurio
tousser: et un affreux soupçon le prend: s’ils étaient contagieux et si leur maladie était mortelle? (note d’Avril 2020: je jure avoir écrit ça en Avril 2012)
Mais alors sa fille serait déjà
contaminée? Il rentre seul en Chine en donnant des ordres pour que
sa lumineuse fille soit examinée dans
un hôpital de Pékin avant de le revoir.
Quant à Mercurio, il nage toujours
dans une totale ignorance de tout. — et il est hébergé par la jeune gardienne
du musée des ivoires — qui lui avoue
qu’hormis garder le musée et recopier
une énumération des objets qui s’y trouvent,
elle est, elle aussi, d’une parfaite ignorance.
Ou bien non.
au chapitre trois l’image du commandeur sera très vite
confrontée à l’explosion du monde entier et se trouvera
au chapitre quatre:
au chapitre quatre nos
héros sont propulsés hors des
mondes Mademoiselle Wu leur
prétend qu’étant expulsés
du monde ils sont arrachés
au Temps, et qu’il n’y a plus
d’origine autre que leur Histoire
à tous cinq — la sismologue, la gardienne, Mademoiselle Wu, Mercurio
et le général Wu, dans un espace sans Temps.
8 Avril: retenir: l’ignorance
rencontre le savoir, le savoir
coagule le manque à jouir (vomissements
de Melle Wu), le Commandeur ne croit pas à Freud pour lui ce sont
des escrocs, ce qu’il aime ce sont
ses amis les soldats de la Chine.
Chapitre trois
Où le commandeur dicte son écriture
à la nature.
Monsieur Wu est calligraphe : les
mots qu’il prononce sont dessinés dans
son cerveau; et ils sont une représentation
du monde; quand le général Wu parle,
il sait profondément que ses mots écrivent
la réalité.
Cette arrogance sans complexe lui permet,
par exemple, de ne jamais parler de sa
mère, mais pourtant de s’enivrer souvent,
c’est à dire d’être souvent dans cette fusion
au monde qui vient si parfaitement totaliser
la certitude d’être créateur en, simplement,
jetant des discours au Parti.
En retour il n’a jamais compris la passion de ses parents pour la langue française.
Et pourtant il n’y a plus de Chine
Il n’y a plus que du béton.
Étrange, cette haine, partagée par tant
d’hommes incultes pour le passé, détruire
plutôt que de supporter la domination de ceux qui ont appris qu’était
le monde.
Voilà
au chapitre Trois
Le commandeur invite son
gendre à ne rien savoir
et à tout détruire — mais en chinois.
Au chapitre Quatre
La destruction étant accomplie
nos héros quittent le Monde et le Temps dans une capsule
chinoise. Mademoiselle Wu les
guide dans l’infini. (note de 2020: comme Sainte Thérèse)
Ils parviennent à la planète
Parménide — où vivent les
Nombreux. Spectacle réjouissant
du massacre permanent. Un des
habitants leur dit à quelle vitesse
leur planète qui fut intellectuelle,
a été possédée par la crédulité. Ils
Remettent les gaz.
Au chapitre cinq
Et conclusif.
Mademoiselle Wu les mène
au meilleur des mondes.
En réalité tout cela n’est pas
assez drôle: on vit une époque
d’inventivité un poil plus extraordinaire…
et mon propos est d’une affligeante
banalité, à vouloir être commun.
Proposer la Commune est
ennuyeux avant d’être commencé.
Le mieux c’est d’oser.
C’est plutôt un passeport pour les temps
Obscurs qui est nécessaire aujourd’hui, et il devra résister aux nombreuses pannes
électriques du futur.
Donc message aux gens qui se sentent abandonnés dans un monde
de viols et d’illégitimité, un monde
où plus personne ne sait qui est
son père, un monde privé
d’eau fraîche et de nourriture.
Passeport pour les temps obscurs.
Tombouctou est tombée depuis
quinze jours aux mains des pillards et de la soldatesque, mais malgré
nos moyens d’hypercommunication
c’est comme si nous ne savions rien
de ce qui s’y passe.
Tombouctou c’est un joli nom, on dirait vraiment
une ville du Sud de la France, c’est
tellement coutumier. Mais la ville est livrée
Depuis dix jours aux viols des soldats et aucune radio n’en dit rien.
Le massacre et l’appropriation,
langage des frères, dans le «Daheim «des terres, nos gisements pétroliers — et blablatent les paisibles, ceux qui ne prennent
pas au fusil la «Lebensraum «, ceux
qui se tirent et n’existent que dans l’espace
littéraire, pendant que la Loi est oubliée aux
sables du caniveau avec le sang de ceux
quii ne sont plus du Banquet, leur part confisquée
par ceux qu’un impitoyable instinct de survie
a fermentés plus précocement.
8/4/12
pas si obscur que ça somme toute,
le massacre est en route mais au
passage on a appris à chier dans le
gâteau: cqfd plus rien à partager, c’est
tout comme: l’infantilisme de l’appropriation.
Croire en un papa omniprésent à
pour avantage de permettre de
faire l’enfant et, White-Anglo-Saxon-Protestant (ou l’équivalent de ça dans toutes les hiérarchisations bourgeoises du monde), d’écrabouiller la planète pour en sucer le pognon.
chapitre un serait ignorance et
savoir.
chapitre deux où l’ignorant (Mercurio) découvre
l’incarnation de la lumière (mademoiselle Wu).
chapitre trois où le commandeur surgit,
face au volcan apocalyptique (qui fait le centre de l’île de Pico qui est un peu le nombril du monde heureux), et nous dit trois mille ans de rivalités sino-infernales, taisant (confucéennement, pour vaincre)
les luttes entre gens moyen-orientaux, égyptiens, européens puis planétaires «du» Livre — pour l’appropriation
des terres pétrolières. Le Savoir (sa fille) dresse en face
de lui son omniscience et le pulvérise.
Chapitre quatre disparition apocalyptique
des biens. L’omnisciente bricole l’évasion
hors du système solaire et hors du
temps.
chapitre cinq
Description des terres d’erreignis, le lieu où (cet escroc de Heidegger fit croire à ses élèves que se) donne le temps.
Détente ! (et surgissement de Madame de Pompadour)
Ça serait quoi ce concept que je
rendrais habitable malgré son amant
de l’espace, et existentiel malgré
son amant du temps
Un lieu d’amant radical. Cette
image de Voie lactée — nous n’y
sommes plus ni matière ni temps —
y a-t-il en nous un fragment qui
s’accrocherait à ça ?
Ma mémoire a tendance à
retenir du temps. Ma pensée a
tendance à dématérialisation
ainsi glisser une pensée dans la
mémoire des origines, dans le
bruit du Big Bang, par exemple
et se réfugier, hors corps, en ce
qui de nous existe de la façon
la plus humaine, la pensée
L’ordinateur surpuissant de Mademoiselle
Wu synthétise l’ensemble des éléments
de la pensée d’un sujet, fonction de
son expérience et de son corps, et,
une fois converti en ondes, les projette
à la vitesse de la lumière, jusqu’à crever
la résonance du Big Bang.
9 Avril
rêve rue de l’Observatoire: l’Observatoire
démoli, et moi, innocent ouvrier berbère, en fureur contre Ries (le maire de la ville qui aurait fomenté cette destruction) envie de meurtre puis sentiment d’inutilité –
c’est trop tard. Hurlements, à la voix aphone.
Deux dames à vélo trimballent un mât blanc
et m’évitent, boulevard de la Victoire
Mon cri :”on a détruit mon église, ma synagogue”.
12 Avril 12
Autre rêve: batteur de macadam à vélo cette nuit
fier de percussion et avec deux baguettes échassiers
Le sol devant mon vélo comme deux antennes,
et les gens pas mécontents de mon son…
L’histoire de Mademoiselle Wu nullissime et
dictée par l’envie débilissime d’écrire lisible,
de faire «dubliners «au lieu de me jeter
dans ” Finnegans’ Wake «.
Répondre au supposé vœu d’un éditeur crève-
la-cervelle. Trahir l’exercice joyeux du «pour-rien «.
Donc retour au meme mais plus précieux. Qu’est-ce
je ferais de cette ignorance qui rencontre avec
appétit le savoir, quand le sujet sachant est si gravement
atteint par son savoir qu’on pourrait y préférer le coach, qui,
ne sachant rien, conjuré son savoir en précipitant ses
symptômes avec la jouissance qu’il en tire — le coach idéal,
C’est le führer.
L’ignorant, la sachante, la statue du commandeur, les
Açores.
La Montagne d’un volcan, le volcan est
un monde. Attrait pour cette idée d’une étoile
morte: la vie comme en 1880, visible par mes
neurones aux flancs de ces montagnes.(paysans qui rentrent du travail à cheval et à cheval s’arrêtent au bistrot, temps retrouvé)
La secrétaire du Vatican (le petit musée des ivoires de baleines gravés de Faïal) résumant ce
texte avec plaisir car il débuterait par le
bleu du ventre de Noût !
En fait Mercurio le fils naturel jet setter du
grand hôtel de Shangaï bavarde.
15/4/12 Il tirerait un trait sur la tentative de mise en
religion des cultures, cette envie psychotique de
transformer le cogito errant en prophétie universelle,
il ramènerait l’errance à son point central: la
stupéfaction de l’Ignorance première et dernière,
cette certitude des adolescents en bonne santé :
que le monde est immense et qu’on en sait
rien du monde. Il dirait, comme Lacan sur
la page 577 de la photocopie de son séminaire de 59−69 sur l’éthique de la psychanalyse,
que le Bien pourrait être considéré
momentanément dans une parenthèse d’être une
science truquée.(11 Mai 1960)
je ne vois pas se préciser l’histoire
de l’ignorant jetsetteur et de la
Chinese-Queen — sauf s’ils tombaient
dans le filet ravissant de l’aventure expressionniste
des deux-trois rues où je vais et je viens,
aveugle — aimerais-je les rencontrer? Dans l’idée
d’une cachette, qui serait mon apparence, mon masque
aussi impénétrable que possible, grâce à la nature
incompréhensible des désirs que personne
ne saurait me soupçonner à part le premier psychologue venu.
En tous cas les colonnes de feu de la puissance
hébergent, comme toujours, le front rêveur de
grands penseurs et certainement l’hyper-pensée chinoise
est en train de développer des systèmes d’intelligence
qui surprendraient les despotes, les tycoons et les
quinquagénaires épicuriens de la polygamie ploutocratique
chinoise.
Le savoir ainsi que le présentait Spinoza
a ce petit rien de systémique qui donne à
celui qui l’apprendrait par cœur la sensation
d’un accroissement — mais au bout du compte ne
s’agit-il pas simplement d’un gradus
vers les sphères mystiques, mine de rien,
donc d’une ontologie ?
Aucune réponse à rien de sérieux, hormis
dans le propos distrayant, à proprement parler
distrayant, de la fiction.
De toutes les manières la réalité est beaucoup
plus bouleversante — mais indicible.
Le dévoilement de l’insensé – ce qui est
tu au détour de lieux qui ne valent jamais
qu’au travers des passions qu’on y aura -où pas —
vécues.
Les chinois le savent bien: il n’y a pas
un élément du réel que nous ne saurions figurer
à l’intérieur de l’alphabet symbolique, en
idéogrammes — du monde comme on l’envisage,
le mot le dit bien dans «visage» — rien n’échappe
à l’entrecroisement des désirs.
L’infinie mélancolie du jeune jetsetteur
transbahuté à l’ombre êcrasante du rejet
d’un père inconnu et riche par sa mère
dispendieuse et manipulatrice — mais sa seule
vague idole — on les voit d’hôtel en villa
traîner les manœuvres successives de
sa mère — et lui, du coup, un vrai
cas, l’ignorant absolu, le Caspar Hauser
des hôtels, son ordinateur pour seul maître.
Mais la mélodie de tout ça gagnerait
a se narrer dans l’orfèvrerie d’autre chose, comme
une histoire incluse.
20 Avril.
Cette course dans les rues
de la guerre — les engins apocalyptiques
les drônes, les maisons exploses,
la haine à l’état brut entre des
clans qui apparaissent là où avait
régné l’amitié.soudain, savoir
qu’on doit faire lâcher la bête
ignoble des appétits d’argent. Pas
un peu d’argent. La Tonne d’Or. Les
pétroliers, et ceux qui ont la main
sur le commerce des drones.
20 Avril 2012
Qui que l’on soit, si on n’est pas
dans le flux de l’argent, on n’est
rien: il n’y a plus que des parrains,
des matrones, et ceux qui ont la
clef des banques. La ville s’autoanéantit,
même pauvre, elle se découvre des
ressources de puissance: l’argent circule
au Mexique, au Pakistan, et les monstres
d’acier se dressent comme des
éléphants de haine pure.
On ne compte plus la douleur
des morts, les adolescents en sont
nourris, ils mangent de la vengeance
comme les culturistes de la
protéine.
Le «je» court cependant au
travers des rues déchirées, avec
son incorrigible envie de dire
une justice que tous les hommes
trouveront désirable.
Le «je» se cache, et se cache
comme dans une guerre moderne,
il dort dans des abris isothermes
indétectables, il s’immisce au
plus près des seigneurs de la guerre,
des maîtres de l’Injustice, là où
s’endorment leurs mille techniques de
surveillance, il est noyé dans les
replis de leur Pouvoir comme
Michel Foucault à l’ombre de
De Gaulle, Boulgakov chez Staline,
Heidegger chez Hitler, Aung chez
les birmans.
Le «je» porte le beau corps de
Justice dans ses bras -pourquoi
descend-il dans l’arène
tragique de la ville ensanglantée ?
1/5/12 la construction d’une image de la divinité ça
concernerait même et surtout les femmes — Néfertiti, où
n’importe laquelle de ces femmes auxquelles elle choisissent
de s’identifier un jour mais qu’elles craindraient comme
la peste si elles surgissaient comme rivale — de toutes façons
la question sérieuse ne se pose qu’au moment de l’incarnation
du dieu ou de la déesse parce qu’alors bien évidemment,
s’il faut se le fader dans la chambre on est en voie
de disparition, c’est lui qui va se reproduire.
L’infernal est là, l’image d’éternité de la
divinité (Barbara, Dalila, Françoise Hardy, Marylin
Monroë, Néfertiti) — assume mon propre désir d’eternité, qui
pour moi doit passer par un coup de rein.
Toujours un coup de reins abolit les
destins.
De la création de Néfertiti bien évidemment
je sais si peu que le livre mettant en doute
son authenticité (ce serait un faux mélangé aux
résultats des fouilles, et cela expliquerait sa parfaite
adéquation à l’esthétique de l’époque, en particulier
l’esthétique romantique Mittel-Europa) — puis ensuite les
articles moquant la crédulité des lecteurs d’un
tel tissu de balivernes — ne me laissant pas la moindre
chance critique. Je sais juste que j’ai toujours
eu l’impression avec le buste de Néfertiti, d’une fausse jeunesse, d’une
victime de la chirurgie esthétique…
Dans la carlingue d’acier où les voyageurs, adéquatement à l’idée
d’entrer dans les nuages, peuvent massivement tenter de somnoler
malgré l’économie négrière qui les veut coincés dans des fauteuils
toujours plus exigus, on reconnaît le tube qui les contient tous dans
le rugissement des réacteurs, on reconnaît même si on ne
l’a jamais visitée l’atmosphère d’une forge, la terrible
puissance de Vulcain, le volcan métallurgique
de la guerre — on sait qu’on est à l’époque où le monde du métal a
suffisamment grandi pour que ce tube resemble à des obus,
des torpilles, des drones — et que la puissance débonnaire d’une
compagnie aérienne sardinant les touristes est fort peu de choses au regard
des organisations étatiques dont les agents manipulent et contrôlent une
force de meurtre, de supplices, de pestilence
et d’enfoirage qui les fait insectes et nous fait
moucherons.
Pourtant les propos gouailleurs de l’ami afghan qui évoquait
le ridicule des armées russes et celui, ulterieur’ des américains
dans son pays, m’a rappelé le proverbe biblique au fronton
de la synagogue reconstruite après la destruction par
la Shoah de la première, à Strasbourg :” plus fort que le glaive est
mon esprit”.
Mon père a connu un tube semblable après 42, un
avion en mission, la peur au ventre tellement que
le pantalon brenneux au retour — était-il sous
l’avion, dans ces bulles de verre qu’il avait photographiées pendant son service militaires, quelques années auparavant ?
L’avantage d’avoir pour parents un couple
hétérosexuel fait que l’homme, enfin le père,
y est statistiquement rarement un dieu — sa fréquentation
commence en plus à ces âges où, étant un morpion,
on ne risque pas trop de lui porter rivalité
ou de susciter son désir — on a tout le temps
de s’identifier au dieu qu’on veut, papa ou maman,
Vénus ou Jupiter, avant qu’il s’incarne au moment
paradoxal de l’hormonitude — au moment où
papa devient un mec et maman une femme — ceci
dans le cas tellement rare où le sujet, secouant
la castration de ses épaules entravées, décide
de s’envoler au ciel libre de l’assomption.
En fermant les yeux, maintenant que j’ai franchi
cinquante six années, je sens, comme télépathique.ent, comme
Le soufflet de Vulcain a développé la pâte rougeoyante
qui depuis les entrailles de la Terre visait qu’à permettre
à l’homme de
devenir métallurgiste,
d’asservir la Terre
par des socs et
ses frères par des lames
je sens en fermant les yeux
le monstre qui surveille et punit,
l’argos éveillé pendant que je
dors; j’ai vu les images
de villes visées par des
dizaines de faisceaux lasers
guidant les bombes d’ingénieurs
que leurs mamans ont dû choyer
pour qu’ils réussissent leurs études.
Néfertiti se savait mortelle et se voulait
immortelle — pour l’être, pour croire qu’elle l’était,
il lui suffisait d’être obéissante, de se soumettre
au religieux — en sachant qu’elle aurait, pour
son corps mort, un sarcophage. Qui serait sculpté
à l’envers du couvercle: la belle Noût, comme
dans le sarcophage des pharaons ?
Le jour se lève et c’est Beijing. Beijing, percussion
dans le mot, timbale chinoise. Je ne vise qu’à vous dire ce
que je sais et je ne veux jamais vous déçevoir. Beijing est
au centre de mon expérience mais je ne vais pas vous ennuyer avec
ma biographie surtout que je ne sais rien de ce qui pourrait
vous mettre en rapport avec ce texte alors que je suis vivant
au moment de l’écrire et qu’ainsi ma parole est un risque.
Beijing est au centre de mon quotidien. Comme
n’importe quel habitant de la ville, je ne sais rien
de sérieux, elle est trop multiple, trop vaste pour que je
puisse entamer sa surface, sa peau, elle est comme Néfertiti,
les temps qui nous séparent de Néfertiti sont trop multiples,
trop vastes pour que nous puissions entamer l’éclat de son
port de tête.
De Beijing vous savez comme moi, comme
chacun peut les voir, les grands hôtels. Le bruit de
l’ascenseur ultra rapide.
Je chante dans ma tête, Beijing, Beijing, et je
pense à l’effet que me font les beautés chinoises: un
coup de gong, bien évid…
-” Tu ne sais rien de rien. Esprit superficiel ! Il faut travailler ! «
Elle peut bien causer: comment partagerais- je son expérience ?
Elle me l’a dit une fois: «J’aimerais être comme les
filles européennes. Avoir une famille, des parents. «
Lagos, il y a cinquante ans c’était une
petite ville. Maintenant c’est la capitale mondiale de
la survie. Sous le pont autoroutier qui enjambe le
fleuve, vivent les parias de ce monde, qui n’ont jamais
l’occasion de quitter le pont. Si une voiture tombe
en panne, ils sont les vautours qui en la désossant,
rouvriront le trafic. Il faut payer pour
dormir, à tour de rôle, dans des carcasses empilées
au centre des échangeurs.
Qui arrive à quitter cette ville, à vingt quatre
ans, elle est une vieille femme. Je ne sais lire
parce que je ne sais rien d’elle? Je ne sais rien
rien de la mère absolue ?
-” Tu ne sais rien. Tu es un petit con. «
A douze ans son corps fendu, vendu.
-” A sept ans. Petit con. «
Elle est ma mère. Pas Néfertiti. Plutôt Ishtar.
-” De quoi tu parles, tu ne sais rien. «
En arrivant au monde je suis son vœu. Braqué
à mon père certainement.
-” Du Sida tu ne sais rien ! Je ne lui ai pas dit que
j’avais le Sida. Je veux qu’on l’admire. «
-” Alors je suis le seul â savoir que tu as
la maladie de l’amour? Alors je sais quand
même quelque chose, tu vois. «
-” J’ai jamais connu quelqu’un qui rigole aussi fort
qu’un maquereau, à part un autre maquereau, et
ceux de Lagos — ils m’ont sauvé la vie, pendant
que j’avais la démonstration qu’on peut la perdre
d’un simple coup de gourdin. Je n’ai pas pleuré
ma mère. Une personne de moins pour m’engueuler
et me cogner dessus. Le maquereau de Lisbonne
riait encore mieux que mon oncle — il n’a jamais
fait que rire. A part quand il m’a cassé les doigts, j’ai
toujours trouvé ça drôle — drôle d’idée, que j’ai
eue, de me défendre quand il a voulu me
torturer la première fois. Les touristes qui m’ont
trouvée sur un banc croyaient que j’étais morte. heureusement
qu’ils avaient de la religion et de l’argent- ça
a mené au fait que j’aie pu rencontrer Olivier
Delatouche, ton père — le seul homme qui
ait jamais accepté que mon seul désir
ce soit d’avoir un enfant à moi.
-Mais tu m’as raconté tout
sauf votre rencontre. Alors pourquoi est-ce
que tu ne me parles jamais de lui ?
Dans ses lettres, il me dit que c’est toi qui
l’as quitté. (note sur la page de droite, page 15 du photocopié de la conférence de Lacan du 11 Mai 1960: 1/5/12 La Tyrannique rivale du Réel; la Mémoire.)
Les portes qu’on claque dans
les hôtels dérangent des gens dont on
ne fait jamais connaissance et comme ce
lieu mouvant est la seule habitude que
ma mère Noût m’aie jamais donnée, je
le quitte en claquant la porte, c’est elle
qui m’a appris à le faire, d’aussi loin
que je me souvienne, elle claque la porte
chaque fois que je l’énerve, il me
semble chaque fois que j’essaie d’exister
en dehors de ce personnage qu’elle
voudrait m’assigner à être, une sorte
de frère qui aurait partagé des joies
exotiques avec elle, au Libéria pourquoi au Liberia je crois pour le mot liberté.
-” Je revois chaque fois une
grande chambre et nous sommes huit à
y dormir alors tu ne vas pas faire chier
parce que je te prends pas une chambre séparée «-
5/5/12 La destruction des villes par l’industrie de
l’armement semble chaque jour avoir atteint un sommet
de raffinement — mais est restée une apprentie dont
notre bonne mère nature qui tue, sans coup férir, toute
l’humanité. Voilà ma mère, mon père. Crevard: moi.
Pourquoi est-ce qu’elle a toujours voulu vivre dans des
hôtels ?
-” Je ne peux pas te montrer de photos de ma
mère en train de faire le ménage: il
y avait pas d’appareils où on vivait. Le
ménage à la maison — les mangues à la forêt :
pas de photos. Mais si tu avais vu ma mère
s’occuper de la case — si tu avais vu ça une
seule fois — tu comprendrais qu’il n’y a qu’à l’hôtel
qu’on soit vraiment chez soi. «
Dans la valise elle cache son livre d’or où
chaque nom d’hôtel est consigné.
je claque la porte, j’arrive à l’ascenseur, il est
transparent, j’imagine tous les chiottes sales de la
ville, tous les chiottes du continent chinois, du monde,
tous ces gens qui vont chier aujourd’hui et qui
seront bien contents d’y arriver, à chier.
Les trois filles — toujours trois. Si je
savais pourquoi.
-Xi à de très grosses lèvres.
Xi ne sourit pas, elle a une bouche immense.
Je m’assieds, dans le salon de l’hôtel, à
côté d’elles, nos tables se touchent. Comme toujours
la plus petite a l’air de commander. — tu as
de très grosses lèvres.
Un jour, j’aurai vieilli alors, je ne verrai
plus la belle bouche des femmes comme une promesse —
ma mère est une vraie professionnelle: elle m’a dit :
-” Si tu ne vis jamais tes fantasmes, tu seras
leur larbin. «
La différence entre avant et maintenant: ce que
je me raconte, ce qui me fout la cervelle comme
une explosion quand je veux jouir, ce sont déjà des
souvenirs, pas des fantaisies — pas des rêveries.
-” Ne prends jamais une prostituée — tu dois dominer. «
Je me penche vers la plus petite: Je
trouve que Xi a une très belle bouche.
(Citation griffonnée sur la page 19 du séminaire: «(l’homme)responsable de l’Oubli «)
— Vous nous invitez à dîner ?
Elle rit, ses deux voisines pas. Elle n’a
pas du tout l’air d’une professionnelle.
-Où est ton papa ?
Quelle autre question lui poser.
-Est-ce que tu aurais le courage de
m’emmener loin de lui ?
Et là, elle va vers le
piano. Une des dix millions de pianistes
chinois. Je suis le métis le plus teutonique
du monde, ma peau nègre jouait du Bach
aussi jubilatoirement que la précieuse Bossa Nova. Elle joue le
clavier bien tempéré. Ses deux voisines sont restées
avec moi. Xi me chuchote :
-Ils l’ont mise en pensionnat en Angleterre, le plus strict. Elle s’est fait renvoyer le
mois dernier. Son père l’a battue.
Plus tard dans la nuit — dans
la chambre que ma mère abandonne chaque
fois que je deviens le coq — ah! Les
lèvres de Xi !
Si je les décrivais vous me croiriez
vulgaire. Ah ! Les lèvres de Xi, pour supplier
de rester intouchée, les lèvres de Xi et avec
quel génie Wang en a joué – posées aux
plus fondant du corps, non, aucune description
ne sert, je vous ferais croire que ce désir
est aussi banal — comme Xi aime ses deux
amies. Elles se connaissent depuis bien avant toujours. Leurs
enfances, voisines, leurs parents, de hauts officiers, Wang
la meilleure de l’école — si triste que son
amie ait dû partir à Cambridge — Quoi de
plus complexe que la douceur de ce baiser tendre
aux fondations de mon être, que cette envie
de dire mon assujettissement à l’essentialité de
notre fugitif plaisir. Que rien n’est plus
important que ce moment inaugural.
-Nous devons être loin. Nous
devons être ailleurs.
-Nous ne quitterons pas la terre !
Au petit matin j’avais compris
qu’elle avait raison, ma putain de mère: je
ne sais rien. Et Xi, la mal-notée, elle
sait tant. Tout ce que le général ne
veut pas qu’elle sache — elle récite les poêmes
japonais et les uruguayens, elle connaît les
religions de Micronésie et la dialectique — et
m’a dit qu’à six ans elle a rencontré son premier
piano, que le piano a été son premier dragon,
que le dragon est la réalité du ciel, que
le ciel c’est le Bien, et que le Bien c’est
la réalité en marche, celle du cosmos de l’humain.
C’est le matin et nous sommes à
quatre dans ce lit et elles m’apprennent des
chansons chinoises du Xi° siècle ! Elles se
moquent de mon ignorance.
-Tu ne sais rien, le métis !
(citation notée de la page en vis à vis: Le bien contrainte sociale: une simple pente ?)
Tu ne sais rien. Tu ne joues d’aucun
instrument. Tu ne connais pas la liste des hôtels,
cette liste si précieuse qu’elle écrit dans sa
langue que tu ne parles pas, tu ne sais rien
des masques dont ta grand-mère était prêtresse,
tu ne sais pas le nom de ton père ni
combien il lui verse chaque mois de pension pour
qu’elle puisse continuer de t’emporter dans ce
mouvement et enfin tu ne sais pas pourquoi Xi
est si heureuse de faire l’amour avec toi, tu
ne te rappelles même pas qu’elle, elle t’a vu
quand elle avait huit ans, elle ne t’a jamais oublié,
tu étais même allé grimper sur les genoux de
son oncle qu’elle aime tant, ce défilé militaire,
tu étais un enfant, tu étais à Beijing.
-Je me rappelle du défilé militaire de Beijing,
je me rappelle du soldat.
-Et tu as oublié les yeux de la
petite fille qui te dévorait des yeux parce
que tu avais pris le droit de te mettre
sur les genoux de son oncle qu’elle adorait !
(Chanson: loin d’la Chine j’ai emporté ma chinoise,
Tralala à la barbe et au nez tralala de son papa général !)
-Ma putain de mère ferait sortir Ariane du labyrinthe sans pilote et sans ficelle !
-Où c’qu’c’est donc qu’tu m’as emmenée ?
La fenêtre de la chambre est un
carré où se découpe le plus grand volcan
du milieu de l’Atlantique.
Elle sait tout, je ne sais rien, sauf qu’elle
est totalement névrosée: mon ignorance, quelle légèreté !
15/5/12 chapitre__un
Ainsi en irait-il. L’ascenseur de
l’hôtel à Pékin, ce bruit feutré. Et
pour Mercurio Sanpeyre, celui de la féminité :
une vie d’hôtels, tous payés par la pension
alimentaire, et l’entêtante question,
devant cette vie d’exils incessants, toujours,
des hôtels, toujours des capitales.
-” Pourquoi dois-je rester avec maman? «
Et les gens rencontrés, les
précepteurs qu’elle lui paie, rien goguenards :
-” Vous n’avez jamais quitté votre mère? «
En Chine, cette désinvolture aussi :
-” Elle, d’ébène, et vous, presque blanc? «
Français, cela voudrait dire quoi ?
-” Au Cameroun, tout le monde
te comprendra. Mais ne me poses plus de
questions. Tu ne sais rien, tu es ignorance. «
Évidemment Adam. Mais elle l’avait appelé Mercurio.
L’an dernier aux Açores la
plus petite capitale du monde c’est Faïal le
précepteur chargé des échecs était
bien évidemment bien évidemment bien évidemment un Russe.
-” Non mon cher, Ukrainien. Vous prenez les noirs ou, les blancs. «- ne riait qu’alcoolisé,
en revenant du Peter’s bar.
L’année aux Açores avait été une
révélation, parce que voila bien une capitale
qui ne fait pas écran avec le vrai
pays, une capitale où le paysan et l’ouvrier
peuvent manger leur casse-croûte assis
sur le trottoir devant les ministères.
Et c’est là que Mercurio avait compris cette
chose qui manque tellement aux capitales, de
s’inscrire dans un lieu où la nature garde ses
droits, comme une rivale de toutes les mères.
-” Tu ne sais rien. «
Et ce sympathique italien, quand Mercurio
n’avait que douze ans, à Rome :
-” Voilà, Elle dit que vous ne savez rien,
votre mère? Mais vous êtes un grand garçon
pourtant, puisque vous voilà
à l’âge où votre maman avait commencé déjà le
plus vieux métier du monde. «
Aux Açores; à vingt trois ans —
il a couru souvent dans ces prairies, dans
le bocage magique dont les buissons sont
d’hortensias aussi bleus que le ciel.
aussi bleus que la robe du ciel, et cette
nature, a-t-il pu se dire alors, se donne
comme une mère s’est donnée, à qui veut
bien l’aider en profitant d’elle, et ces
portugais qui ont découvert la terre des
Açores encore vierge, ils ont tellement sué
sur elle, ils l’ont enrichie de cultures en terrasses,
de ruelles pavées des minuscules blocs de marbre blanc ou noirs, d’églises faites avec
la pierre noire que les volcans leur ont craché dessus ensuite tant et plus, ah la
vierge nature des Açores est un
volcan comme maman, on ne peut pas toujours
discuter avec elle elle tremble avec
colère en faisant mille morts écrasés sous
la pierre noire des maisons patiemment reconstruites
et ce volcan de fureur le jour où
elle a su qu’il savait qu’on l’avait
prostituée à douze ans.
-” Tu ne sais rien. «Et qu’elle l’avait terrassé par la beauté de
ses larmes, à Rome, pendant qu’il
faisait si abominablement chaud. Et qu’elle
avait pleuré quinze jours; il avait pensé
l’avoir tuée.
Mais l’ascenseur de Pékin n’est pas
rien. Elle (qui dit tout savoir mais ne sait
même pas écrire correctement) prétendit que
les Chinois étaient le peuple du monde le
plus savant quant au fait de la Nature — et
cette ville détruite en cinquante ans de béton !
Ce visage illisible qui s’oublie, ne veut rien
savoir de ce qui ne serait pas l’aspiration
moderne à une réalité moderne d’un pragmatisme
suicidaire, ce pied de nez aux aïeux, cette envie
peut-être, en anéantissant la ville du XIX° siècle,
de retourner à la nature érémitique des
buldings cellulaires. Comment dit-on «moine «et
” cellule «en mandarin. Comment
l’écrit on sinon par des lignes parallèles,
verticale et horizontale de lignes de
compte pour rêve de promoteur immobilier.
23/5/12 un cerveau qui flanche. Une histoire
plus que merdique. Du déchet de stylo. La
pulsion d’écrire en son pire ressassement. La
condition la pire.
Pendant ce temps (anéanti) sur l’autre
page trône la prose adulée du maître. Celui
qui se targuait d’une maîtrise dont la France
tétanisée se garde bien de se moquer, se
rengorgeant de fierté soixante ans après en
comptant encore combien de thésards anglo-saxons
citent FoucauldLacan à quoi ils ne
comprennent pas le premier mot, comme
les japonais photographient sans en rien assimiler
les fuselages
de Notre Dame de Paris.
(Sur la page en regard, reprise manuscrite d’un fragment du texte de Lacan: «Ce textile est un texte d’abord. «)
23 Mai 2012.
Il me reste le goût d’ascenseur,
peu importe si je l’ai senti à
Francfort; Marguerite Duras, où a-t-elle
filmé Lahore ?
Il n’y a rien à voir parce qu’au
fond, quand bien même il est de verre
le tube où circule l’ascenseur, les
vues dont on y jouit ne sont pas impériales
ni mandarines. La pragmatique sanction
a fait aussi de Shangaï un monceau d’habitat
invitant à ne tenter d’y lire rien que
l’ingéniosité de l’épargne taupinière.
Je ne vois vraiment pas pourquoi
je dépenserais encore deux grammes
d’encre pour parler de ces chinois qui
sont encore plus cons que des tropéziens.
23 Mai 2012.
Il aurait un prénom inélégant, il
s’appellerait Mercurio — et on y verrait
poindre l’empire, l’idée d’Occident.
Sa mère la pute aurait le ventre
bleu du blues des noirs.
Elle le voit arriver sans plaisir, ce
métis aux yeux bleus.
-” En fait non, vraiment, non. Cette Chine,
pour qu’elle existe, faudrait que j’y dorme.
Jamais eu une seule amie chinoise. Océan
d’incompréhension qui conserve, le semble-
t-il, des choses dont l’incompréhension
serait son bénéfice. Parce que ce
qui nous rapproche et nous identifie est
d’une telle évidence: le Thé. La poésie.
” Le domaine du bien est la naissance du pouvoir ” a dit Renan «» Je puis le bien «(citation du feuillet 32 du même séminaire, notée en exergue)
Les yeux écarquillés de la fille du
général. Elle le regarde qui
descend à nouveau (dans l’ascenseur
Transparent) vers le lounge du
Serial Hôtel de Shangaï.
26/5/2012. Quelques décennies à peine se
sont écoulées depuis le «consul de France
à Lahore «, depuis le film «India Song «de
Marguerite Duras — mais la sensation ineffable
s’est réfugiée dans les pellicules du cinéma,
dans le regard des adolescents qui
demandent à croire, chaque fois, en
une vague nouvellement affalée, et ne
partagent leur monde d’innocences amoureuses
qu’entre innocents amoureux — aux reçettes
d’hier ils veulent bien danser — mais pas adhérer
ni croire.
23/5/12 «Défendre nos biens «est de la
même dimension que «nous défendre à
nous-mêmes d’en jouir «(citation de la page 33 du séminaire cité)
La fille du général se tournait vers Wu, sa voisine
de droite sur le canapé jaune
du lounge du Serial Hotel de
Shangaï :
-” mon cul n’est pas à moi. S’il
était à moi, je pourrais le prêter, le donner,
m’en passer. Mais je ne peux pas même
me défendre à moi-même d’en jouir.
Ce n’est donc pas un bien à proprement parler
et mon père le général n’a aucun
mérite, lui, à faire des plans pour empêcher
les japonais de revenir nous vo, de notre
territoire. Moi, je n’ai aucun moyen de
défendre mon cul contre ce métis parce
que mon cul n’est pas un bien, c’est le Bien
lui-même!
26.5.2012.
-Ton papa, s’il apprend où tu es !
-Regarde comme le métis me regarde.
Les yeux de Xi; plus brillants que la sandale des
courtisanes. Et l’ascenseur de l’hôtel serial de
Shangaï: transparent comme le lac de la Félicité
Éternelle.
-Même s’il apprend où je suis, il ne sait rien. Il
croit tout savoir, il ne sait même pas pourquoi ma mère
pleure. Sa dernière découverte est plus jeune que moi et
elle rit bêtement avec ses deux aides-de-camp, elle aide
sa mère à faire les courses. Mon père obéit à ses
maîtres comme un chien de garde. C’est moi qui défend
le monde, je suis le Bien, comme une muraille puissante
et essentielle sur la voie du désir des hommes.
Le bruit pneumatique — et s’ouvre la double
paroi vitrée; Mercurio, depuis vingt et un an; pas
une nuit sans sa mère. Pas une nuit, ou presque
qu’ils n’aient passée à l’hôtel. Comme James Joyce
l’auteur du livre que tient Marylin Monroe, sur
la photo qui fait le fond d’écran de son ordi.
-Si elle t’aime, mon fils, la Fille du Ciel, je vous laisse
notre suite jusque demain matin. Sinon, je lui crèverai
les yeux et on quittera la Chine.
Le père de Mercurio: une trace dans les procédures qu’elle
lui montre fréquemment. Et les lignes du virement mensuel,
Comme deux ailes aux sandales de Mercurio et de sa mère.
26 Mai 2012.
Quand le général retrouve la lumière
du jour elles à chaque fois pâlotte — il
sort de l’Etat Major, les écrans d’ordinateur
y renferment une lueur autrement aveuglante,
la géostratégie de la première armée du
monde.
La complexité et le génie de ce qu’il
laisse derrière lui: pendant que la faiblesse
rutile à pleines page des stratégies et des
pitoyables faits d’armes d’un Occident benêt,
qui court encore comme un poupon
d’une mosquée saoudienne au bénitier des mormons
américains — aucune pitié cependant. La
gravité infinie de la survie de l’Empire
du Milieu — les connaissances des lumières
effroyables que transportent tous les
nouveaux systèmes d’armes. De l’incendie
mortel que pourrait réveiller le moindre
faux-pas.
(reprise d’une citation de la première page du séminaire du18 Mai 1960: «L’Info servira d’appel, de capture, pour les foules impuissantes auxquelles on la déverse comme une liqueur qui étourdit au moment où elles glisseront vers l’abattoir. «)
26/5/12
Et dans l’à-peine lumière du
jour le général rejoint la maison
sans se préoccuper, sans imaginer’ que
la chambre, que le lit de sa fille
pourrait être vide. Si sa femme a
l’air aterrée c’est forcément pour d’autres
raisons: elle ignore où il a passé la nuit — çette
fois-ci à l’Etat-Major, avant-hier
avec les ravissantes — à quoi bon la
détromper ce matin, mais que faire d’autre
que de respecter, dans l’aterrement de
sa femme, celui de la fille du général
Hu ?
Elle prend le même air aterré lorsqu’elle
évoque le destin de son cousin An, le
lettré: si on commet l’écriture, c’est
qu’on est bien malade comme si l’on
devenait sportif: prendre l’instrument, un
des instruments de l’existence, pour son
but ! Le muscle ou le cerveau, en…
((sur la page photocopiée, citation recopiée: 6/3/2012 C’est pourquoi, quand nous demandons ici: qu’est ce qu’il y a au-delà de cette barrière gardée par la structure du monde du bien, et où est pourtant ce point qui fait virer, tourner, graviter, pivoter sur lui même ce monde du bien pour attendre qu’il nous entraîne tous à notre perte? “)
Le muscle ou le cerveau, pour en faire des objets de dévotion !
Bien sûr, dit la fille du
Général Hu, évidemment, grince
l’épouse du général Wang, il
existe des sportifs et des lettrés que
le monde applaudit et même certains
que le gouvernement chinois décore, et
ceux-là échappent soudain au ridicule
de leur condition d’hypertrophiques déséquilibrés,
parfois la décoration les guérit et on
en connaît qui ont alors pu accéder à des
fonctions réelles.
Le cousin An n’en est pas là. Il
continue d’écouter son cerveau pour y trouver
des livres, plutôt que de lire des livres
pour libérer sa pensée.
Shangaï et Beijin pourraient êtres rasées
du globe en quelques nanosecondes — et le cousin
An remue encore les fossiles de lettres anciennes
en s’imaginant nous faire croire,
(à nous, en 2012, l’imbécile) que sa pensée
pourrait se prévaloir de la moindre
respectabilité !
Mais ses extravagances les plus démesurées
n’arrivent pas à la cheville de ce que doit
anticiper l’Etat-Major — et il n’est plus question
là de l’intention, bonne ou mauvaise, des
individus. Il faut prévoir la perpétuation d’ordres
millimétriques, afin de pallier aux pires scénarios
toute volonté individuelle abolie, courbée, ployée !
4 Avril 2020.
Je découvre un second
dessin de Tomi Ungerer en l’exemplaire de «The Party «
qu’il m’avait offert. Je n’avais pas remarqué jusqu’ici :
un type tend une sorte de tripe éviscérée de lui même,
molle mais baveuse éjaculatoire, en réponse au toast du verre que tend en premier plan le dessin originel de l’édition imprimée, la main griffue de la mort.
Avec la formule de la «party «solitaire qu’est celle de la mort.
Trouver ça, à un an et deux mois de
La disparition de Tomi
que je ressens de façon de plus en plus cruelle,
Sur les toits, au soleil, devant une ville, débarrassée par l’épidémie des morts
de toute pollution. Printemps qui soude le paradis et l’enfer, alors que sont annulées justement toutes les expositions et en particulier bien entendu celles
Qui auraient du célébrer Tomi. U un an et un mois après son évanouissement matinal.