Il y a soixante-dix ans, la mère de mon ami Cary se faisait photographier là, par son vieil amant. La place était vouée au héros nazi, il y avait des drapeaux. J’imaginais le lieu gommé par les bombes. Mais en Mai 2015, traversant Munich, soudain, j’y suis, c’est là.

J’imagine l’escapade. D’où viennent-ils.? Travaillaient-ils tous les deux dans le camp de Dachau, juste à côté.? Et moi, irai-je un jour travailler pour l’une ou l’autre des machines à extermination qui asseyent les pouvoirs humains du moment.? Pourquoi se prennent ils en photo l’un l’autre sur la place du héros NSDAP ?

C’était si bon, jusqu’à l’irruption de l’Horreur de la guerre entre sunnites et shiites, en Irak et en Syrie, de croire que le western établi sur le Bien et le Mal depuis la reprise en main cinématographique de l’histoire d’Hitler, avait réglé leur compte aux nuances de l’Horreur. De se dire qu’on était après-guerre. De se poser la question des crimes que supposaient les indifférences anciennes de papys d’avant nos naissances.

Il y a soixante-dix ans, la mère de Cary, elle ne se doutait pas encore qu’elle allait devoir fuir avec le déjà vieux Koukou, son amant NSDAP, vers la France, chassée de Bohème par la défaite allemande…

Et que là, elle aurait deux jumeaux d’un normand — puis, quelques années plus tard, Hella, probablement de son héros NSDAP le gentil Koukou…

Soixante-dix ans. Et dans soixante-dix ans.? En 2085.? De quels crimes aurai-je à répondre…