De moi, «la certitude que le moi est effrayant par sa mort «. Faisceau d’originalités, le moi, même celui de Garcia Lorca, nous laisse bouche bée, s’il disparaît. Aussi mon moi se réfugie-t-il dans l’autre. Je suis médecin généraliste depuis si longtemps que j’ai pratiquement oublié comment était la vie, avant, quand j’avais le temps d’aller plusieurs fois par semaines me glisser dans les eaux de Baden Baden, et que je connaissais les sentiers de montagne pour les emprunter la nuit. Google aujourd’hui nous localise tous au millimètre et nous sommes huit milliards, je suis un morceau de cette humilité apocalyptique.

Dire où je vis ne peut se définir que si l’on connaît l’hypnose architecturale: je suis sous hypnose architecturale depuis qu’à six ans descendant de l’avion de Casablanca que les français quittaient en aussi grand nombre que les marocains, je me suis retrouvé au milieu d’un urbanisme prussien, dans l’axe des jardins d’une Université vouée au Savoir comme Méphistophélès se voue à Faust, et j’ai passé des décennies à me laisser imprégner par l’enthousiasme philosophique des lumières allemandes, jusqu’en ce moment paroxystique où, Strasbourg devenant capitale de la Champagne et des Ardennes, je me retourne dans mon lit en imaginant des obligations bismarkiennes pour nos futurs sujets.: que les gens d’Épernay germanisent les noms de leurs champagne. Comment traduire Taittinger en Alsacien? Tête une G (ravité)? Le Kayser doit se retourner de rire dans la tombe où il étreint le portrait de sa Bien Aimée

Pour «Les autres «il y a d’abord cet écrivain dont il devient difficile de trouver les livres sauf dans Les bonnes librairies.: Jean Loup Trassard. Mais aussi Lacan, le Parménide, en ce moment Kant, et l’énorme choc de Joyce. Proust, c’était à 18 ans, grâce au cinéaste Le Guay, qui m’en fit sentir l’essentialité.

Loti, c’est grâce à Tomi Ungerer qui m’a prêté un exemplaire des Voyages. Antonio Lobo Antunes, c’est grâce à une vitrine de librairie française, à Cascais, le «Dinard «de Lisbonne. Mais aucun n’existerait sans la musique, il paraît que c’est génétique, il faudra aussi qu’on apprenne (maintenant que le nouveau dêcoupage régional fait de Reims le satellite de Strasbourg) à nos sujets de Champagne/Ardennes à se taire au concert et à chanter juste. Ça va aussi barder à Nancy, ça tombe bien je suis à moitié Nancéen, je pourrai occuper la Kommandantur, on a déjà un allié là -bas, le directeur de l’Opéra et on ne leur a pas dit mais le dieu de leurs confiseurs, Lalonde, était de Rosheim. On va germaniser Lalonde. Ça sera Lalonte. Des médias je ne connais personne à part Nabila et La Voix de Finkielkraut que j’adore tenter d’imiter.

Et puis le grand roi du théâtre berlinois, il avait quinze ans de moins que mon père, et comme moi, Heiner Müller ne pouvait pas dormir s’il n’écrivait pas…

J’aimais aussi beaucoup Mildred Clary mais elle est morte aussi et plus personne la connaît, c’est comme Albert Simon un gars qui disait la météo et que j’adorais entendre.